Rapidus, la start-up japonaise qui doit foncer dans les semi-conducteurs
Pour revenir dans la course mondiale des semi-conducteurs de pointe, le Japon compte beaucoup sur une start-up créée ex nihilo en 2022 qui veut se développer très vite, comme son nom latin le suggère: Rapidus.
Alors qu'il dominait le marché mondial des semi-conducteurs dans les années 1980 et 1990, le Japon a aujourd'hui "plus d'une décennie de retard" par rapport à la concurrence, déclare Tetsuro Higashi, le président de Rapidus, dans un entretien accordé cette semaine à l'AFP.
"Cela va nécessiter énormément d'argent rien que pour rattraper" ce retard, souligne ce vétéran du secteur, ancien patron de Tokyo Electron, grand fabricant nippon d'équipements pour l'industrie des semi-conducteurs.
Rapidus a été fondée en 2022 par huit grandes entreprises privées nippones, dont Toyota et Sony, tout en étant abondamment soutenue par le gouvernement, via 5,5 milliards d'euros (920 milliards de yens) de subventions à ce jour.
Quelques mois à peine après sa naissance, Rapidus nouait un partenariat stratégique avec l'américain IBM. Objectif: parvenir à une production japonaise à grande échelle de semi-conducteurs d'une finesse de gravure de 2 nanomètres, le nouveau graal du secteur pour répondre aux exigences exponentielles des traitements de données par l'intelligence artificielle (IA) et l'informatique quantique.
"Le monde entier devient numérique. Il devient crucial pour le Japon de bâtir une industrie très forte" dans les nouvelles technologies, insiste M. Higashi.
- Opération "dernière chance" -
Rapidus a lancé en septembre dernier le chantier de sa première fonderie à Chitose, dans la grande île de Hokkaido (nord du Japon), espérant démarrer une ligne de production pilote dès l'an prochain et une production à grande échelle en 2027.
La start-up a déjà recruté plus de 400 personnes et prévoit de passer à 1.000 employés d'ici à 2027.
Comme les Etats-Unis et l'Europe, le Japon cherche aussi à redevenir plus autonome dans les semi-conducteurs pour réduire sa dépendance envers des pays comme la Chine dans ce domaine, sur fond de risques géopolitiques accrus et d'une prise de conscience des risques d'approvisionnement durant la pandémie de Covid-19.
Dans cette même logique, le Japon a attiré le géant mondial des semi-conducteurs, le taïwanais TSMC, qui a inauguré en février sa première méga-usine dans le sud-ouest de l'archipel.
Interrogé sur les enjeux géopolitiques des semi-conducteurs, M. Higashi préfère esquiver en se félicitant des collaborations qui s'intensifient dans ce secteur entre pays amis, comme le Japon et les Etats-Unis: en avril Rapidus a ainsi ouvert dans la Silicon Valley sa première filiale à l'étranger.
La visite d'Etat du Premier ministre japonais Fumio Kishida à Washington le mois dernier a été une occasion pour les deux pays de réitérer leur volonté de travailler étroitement ensemble dans les puces.
Cette relation forte entre Tokyo et Washington "peut être la dernière chance pour le Japon" de relancer sa filière des semi-conducteurs, estime le président de Rapidus.
- Le défi du 2 nanomètres -
L'entreprise compte s'installer sur le créneau des puces sur mesure pour des tiers, en réduisant l'ensemble du cycle de conception, production et emballage 3D de ces produits, fidèle encore une fois à son nom.
"Nous ne prévoyons pas de concurrencer directement les grands fabricants de semi-conducteurs. Nous serons dans le segment du marché qui nécessite de la flexibilité", pour des clients dont le design des puces ne convient pas aux standards des géants du secteur, explique M. Higashi.
L'objectif d'arriver rapidement à maîtriser la technologie de 2 nanomètres a été accueilli avec un certain scepticisme, comme l'industrie japonaise des semi-conducteurs ne produit actuellement qu'à 40 nanomètres ou plus.
Mais M. Higashi est confiant, soulignant le fait que cet ambitieux projet permet de fédérer toute la filière japonaise, qui a encore de beaux restes dans les matériaux et les machines pour l'industrie des semi-conducteurs.
De toute manière, le Japon ne peut pas se permettre d'échouer avec Rapidus, tant la compétitivité et l'économie du pays dépendront à l'avenir de son succès, estime-t-il.
(L.Møller--DTZ)