JO-2024: un manga fait revivre le volley au Japon
Le volley a le vent en poupe chez les jeunes Japonais, une résurrection pour la quatrième nation mondiale de la discipline avant les JO de Paris, née en partie du succès d'un célèbre manga.
"Haikyu!!", c'est l'histoire d'équipes scolaires dont l'un des joueurs, Shoyo Hinata, cherche désespérément à réussir malgré sa petite taille. La série s'est vendue à 60 millions d'exemplaires depuis sa création en 2012.
Transformé en série animée à succès, le nouveau film "Haikyu!!: The Dumpster Battle" a rapporté dix milliards de yens (59 millions d'euros) au box-office japonais et sortira en Amérique du Nord ce mois-ci.
Conséquence visible de ce succès: les effectifs des garçons sont passés de 35.000 en 2012 à plus de 50.000 cette année dans les clubs de volley des lycées.
Parmi les enfants inspirés par ces exploits imaginaires, on croise Kaede Sakashita, dix ans, qui cherche à imiter Atsumu Miya -- l'un des principaux rivaux du héros -- et sa redoutable passe basse.
"C'est mon modèle", explique à l'AFP le jeune Tokyoïte.
Masahiro Yanagida, capitaine de l'équipe nationale de 2018 à 2021 et lui aussi fan du manga, se montre "extrêmement heureux" que les exploits de ces équipes fictives aient contribué à déclencher une vague d'intérêt pour son sport.
"J'ai tous les tomes du manga", affirme-t-il, se rappelant avoir été "complètement accro" à ses illustrations "assez réalistes" du sport.
- Un jeu inspiré du manga -
Le phénomène "Haikyu!!" touche aussi les filles.
"Avant, cela ne m'intéressait pas... Je ne connaissais même pas les règles", déclare Nanami Fujiki, 22 ans, croisée dans un magasin éphémère vendant des produits dérivés "Haikyu!!".
Mais maintenant, grâce à la série "je peux profiter des matches comme je ne l'avais jamais fait auparavant".
L'impact de la bande dessinée va même jusqu'à l'équipe nationale actuelle, avec des joueurs vedettes comme Ran Takahashi, 22 ans.
Bien qu'il ne soit pas grand selon les standards du volleyball, le frappeur extérieur de 1,88 m, évoluant à Monza, en Italie, avait réussi l'an passé quelques gestes spectaculaires semblant empruntés aux personnages de "Haikyu!!".
"Grâce peut-être à Haikyu!!, j'ai le sentiment que le jeu spectaculaire du Japon est de plus en plus apprécié par le public, s'enorgueillit Takahashi. Certains diront peut-être que la qualité du volley japonais se rapproche de celle des +anime+."
Les jours de gloire du Japon dans le volley sont pourtant bien antérieurs à ce manga.
Lors des JO-1964, à Tokyo, l'équipe féminine, alors surnommée les "Sorcières orientales", avait battu l'Union soviétique pour remporter l'or olympique, suivie en 1972 par le titre des hommes, le "Miracle à Munich", et la médaille d'argent des femmes.
Depuis, les femmes s'en sont régulièrement mieux sorties, remportant le bronze olympique à Londres en 2012, même si elles doivent encore assurer leur billet pour Paris.
Pendant ce temps, les hommes "ont stagné pendant des lustres", note le porte-parole de la Fédération japonaise de volley, Naohiro Kakitani.
Le tournant est intervenu avec l'éclosion de joueurs comme Takahashi et Yuki Ishikawa, 28 ans, qui ont percé dans le Championnat italien, ainsi qu'avec la transformation de l'équipe depuis l'arrivée en 2017 de l'entraîneur français Philippe Blain, explique Kakitani.
L'année dernière, l'équipe de Blain a ainsi terminé troisième de la Ligue des Nations.
Le Japon "se situe désormais à un tout autre niveau dont je n'aurais pas rêvé à notre époque", se réjouit Yanagida.
Ce sport n'est cependant pas sans défis dans l'archipel.
Le Championnat compte de nombreuses équipes soutenues par des entreprises dont les joueurs ne dépendent pas du volleyball pour gagner leur vie et peuvent donc être moins motivés, explique Yanagida.
Et la faible rentabilité du Championnat japonais laisse toujours planer un doute sur l'avenir.
- Influenceurs et mannequins -
Pour survivre, certains n'hésitent pas à casser les codes, à l'image du club des Tokyo Great Bears.
Vêtus de tenues roses, les joueurs "se débarrassent activement de l'image agressive et machiste" souvent associée aux sportifs masculins, pour que "les supportrices ne se sentent pas ignorées", explique à l'AFP le président du club, Takeshi Kubota.
Cette approche, combinée à des collaborations avec des influenceurs, a aidé les Tokyo Great Bears à réunir les plus grandes affluences du Championnat deux années de suite.
"Nous voulions prouver que le volley peut attirer les foules", affirme Kubota.
Et c'est un état d'esprit qui résonne chez Takahashi. Le joueur se prête volontiers à cette volonté de sortir de l'image classique du sportif en étant parfois mannequin ou en chantant sur YouTube.
"Je veux faire du volley un sport dont les enfants peuvent rêver", a-t-il déclaré.
Les JO-2024 à Paris seront une belle occasion.
(W.Uljanov--DTZ)