Boxe: Oleksandr Usyk, majesté des lourds et emblème de l'Ukraine en guerre
Sacré champion du monde six mois avant le début de l'invasion russe en Ukraine, Oleksandr Usyk, qui espère devenir samedi l'unique roi des lourds, aborde chaque sortie sur le ring avec un supplément d'âme, porté par le soutien des millions d'Ukrainiens aux vies bouleversées par la guerre.
Avant d'affronter Tyson Fury, samedi à Riyad pour le tant attendu combat d'unification de la catégorie reine, Usyk, champion WBA, WBO et IBF, affiche un bilan impeccable de 21 victoires, dont 14 avant la limite, pour aucune défaite. Son dernier combat: un succès par arrêt de l'arbitre contre le Britannique Daniel Dubois.
Sur le ring du stade de Wroclaw en Pologne, protège-dents et chaussures jaune et bleu, il avait alors dédié sa victoire à "(son) pays et à l'armée ukrainienne".
En prélude, le public et les téléspectateurs avaient eu droit à un discours enregistré de Volodymyr Zelensky. "L'Ukraine se bat grâce à la force que vous allez voir, la force de notre peuple aussi puissant qu'Oleksandr Usyk", avait déclaré le président ukrainien.
Car depuis plus de deux ans, Usyk a dû endosser le rôle d'emblème de son pays.
Février 2022: alors qu'il se trouve à Londres pour préparer sa revanche contre Anthony Joshua, le président russe Vladimir Poutine envoie des dizaines de milliers de troupes d'invasion en Ukraine.
- Plus utile sur le ring -
Usyk répond alors à la mobilisation générale et revient au pays pour servir comme volontaire dans l'armée.
"J'ai vécu avec les troupes. J'étais là pour les soldats. Avec des jumelles, je voyais mes ennemis courir, les chars exploser, les maisons détruites", raconte-t-il en octobre 2023 dans une interview au Daily Mail. "J'ai vu des gens sans bras ni jambes. Ceux qui pouvaient encore marcher ressemblaient à des morts-vivants."
Au bout de quelques semaines, il est toutefois dissuadé de poursuivre les combats armés, ses compatriotes estimant qu'en tant que star mondiale, il serait plus utile sur le ring et en dehors qu'au front.
"Les gars des forces armées m'ont convaincu que je devais me battre pour aider mon pays sur la scène internationale, en parler et apporter des opportunités à l'Ukraine pour la reconstruire", explique-t-il à l'AFP en janvier 2023.
C'est dans ce cadre qu'il s'associe à l'organisation caritative United24 pour des collectes de fonds destinées à la reconstruction. Sa fondation personnelle contribue également à l'achat de véhicules et de matériel pour les forces armées ou à l'aide humanitaire. Surtout, chacun de ses combats se transforme en tribune pour son pays.
- "Source d'inspiration" -
Né dans la ville de Simferopol en Crimée, Usyk n'a toutefois pas toujours été considéré comme un symbole de résistance. Après l'annexion de sa péninsule natale par la Russie en 2014, il a en effet été accusé par de nombreux Ukrainiens de rester neutre et fustigé pour avoir déclaré que les Russes et les Ukrainiens faisaient partie du même peuple.
Mais depuis l'invasion russe de 2022, le discours a changé, son promoteur Alexander Krassyuk estimant qu'Usyk représentait "une véritable source d'inspiration pour l'Ukraine, pour les gars qui sont sur la ligne de front".
"Lorsqu'il s'exprime, ses mots sont une inspiration pour le peuple ukrainien et pour les soldats qui combattent l'ennemi", affirme-t-il. "Il leur donne du courage".
Et inversement. Evoquant sa revanche contre Joshua en août 2022, Usyk explique: "Dans le neuvième round, j'ai réalisé que si je tombais maintenant, l'âme des combattants qui défendent notre pays tomberait aussi."
"Je ne boxais pas pour moi, je boxais pour tous ceux qui défendent le pays."
Avant son combat historique contre Fury samedi à Ryad, Usyk peut en tout cas se prévaloir d'une carrière sportive impeccable, jouant de ses atouts: sa vitesse de bras et de jambes, sa technique et sa boxe atypique de gaucher qui lui ont valu le surnom de "chat".
Passé professionnel en 2013, un an après son titre olympique aux JO de Londres, Usyk gravit d'abord les échelons chez les lourds-légers jusqu'à s'emparer du titre unifié de la catégorie en 2018.
Il décide ensuite de tenter sa chance chez les lourds et se retrouve dès son troisième combat, en septembre 2021, challenger officiel d'Anthony Joshua, détenteur des ceintures WBA, WBO et IBF.
A Londres, devant les 60.000 spectateurs du stade de Tottenham, il crée la surprise en détrônant Joshua aux points et à l'unanimité des juges.
Une victoire samedi contre Fury, détenteur du titre WBC depuis 2020, ferait de lui le premier champion incontesté des lourds depuis Lennox Lewis, vainqueur d'Evander Holyfield en 1999.
(T.W.Lukyanenko--DTZ)