Paris-Roubaix: Alpecin, la PME devenue machine à gagner
Petite entreprise familiale au départ, l'équipe Alpecin-Deceuninck est devenue, au fil d'un parcours original et malgré des moyens limités, une machine à gagner avec Mathieu van der Poel, le grand favori de Paris-Roubaix dimanche.
Dans un sport ou, comme ailleurs, les budgets dessinent en grande partie les rapports de force, la réussite de la formation belge, financée par une marque de shampoing et un fabricant de fenêtres en PVC, a de quoi étonner.
Depuis le début de la saison, l'escadrille dirigée par les frères Philip et Christoph Roodhooft collectionne les victoires, neuf déjà, et pas des moindres.
Après le succès de Jasper Philipsen sur Paris-Sanremo et le triomphe de Mathieu van der Poel au Tour des Flandres, elle peut même devenir dimanche la première équipe depuis plus d'un demi-siècle à remporter les trois premiers Monuments de l'année.
Un vrai tour de force face à la concurrence des armadas de Visma, UAE ou Ineos avec un budget plus de trois fois inférieur, estimé à 16 millions d'euros.
Fondée en 2009 par les frères Roodhooft sous le nom de BKCP-Powerplus, l'équipe est à l'origine entièrement dédiée au cyclo-cross avec un leader, Niels Albert, qui deviendra double champion du monde de la discipline avant de raccrocher à cause de problèmes cardiaques.
- "110%" à son service -
Tout change avec l'arrivée, dès les juniors en 2011, d'un jeune prodige néerlandais, Mathieu van der Poel, "mon petit phénomène" comme l'appelait son grand-père Raymond Poulidor.
Avec lui, l'équipe continue à briller en cyclocross – Van der Poel en est à six couronnes mondiales - mais s'aventure de plus en plus sur la route où il enchaîne aussi les succès, avec en plus quelques incursions dans le VTT.
"On avait un plan à long-terme dès le départ avec lui et la pluridisciplinarité était un aspect important de ce plan", résume Christoph Roodhooft.
Rapidement, Van der Poel, qui se régale de la liberté de pouvoir s'illustrer sur plusieurs terrains de jeu, s'affirme comme l'une des stars du peloton. Vu les moyens limités, les frères Roodhooft lui confient les clés de l'équipe et concentrent tous leurs efforts sur lui et les grandes classiques où Alpecin pique la place (et un sponsor, Deceuninck) à la formation Soudal-Quick Step.
"J'ai la chance d'avoir une équipe dévouée à mon service à 110%", a expliqué le Néerlandais dimanche après le Tour des Flandres où Alpecin a rendu une copie parfaite pour le protéger, avec des coureurs comme Gianni Vermeersch, Silvan Dillier, Soren Kragh Andersen et Axel Laurance.
"Toutes les équipes avaient le même projet d'isoler Mathieu en détruisant son équipe. Mais les coureurs d'Alpecin ont contré tout ce qu'on leur jetait à la figure et montré à quel point ils formaient une bonne équipe", a applaudi l'ancien triple vainqueur de Paris-Roubaix, Fabien Cancellara, dans sa chronique pour le site Cyclingnews.
- "Honteux" -
"On a fait taire quelques bouches", a savouré Christoph Roodhooft, jugeant "honteux" la manière dont la valeur de l'équipe a été questionnée en Belgique.
A Roubaix, il vise évidemment le doublé, un an après la victoire de Van der Poel et la deuxième place de Jasper Philipsen, sans doute le meilleur sprinteur du monde avec notamment six victoires d'étape dans le Tour de France au compteur.
"Depuis l'arrivée de Jasper, l'équipe a encore pris une autre dimension. L'année dernière, Mathieu gagne à Roubaix grâce à lui", souligne Adrie Van der Poel, le père du Néerlandais.
Avec ces deux coureurs, les frères Roodhooft, qui ont également monté une équipe féminine et une de développement, ont de quoi voir venir. D'autant que Van der Poel vient de prolonger jusqu'à fin 2028. Il aura alors presque 34 ans après être resté fidèle à la même équipe depuis ces débuts.
"C'était un choix logique. On a grandi ensemble avec l'équipe et on continue à progresser. J'ai toujours faim de victoires", a commenté le dragster néerlandais au moment de parapher son nouveau contrat avec un sourire carnassier aux lèvres.
(P.Tomczyk--DTZ)