Macao s'apprête à tourner la page des courses hippiques après trois décennies
Depuis trois décennies, Joe Lau entraîne des chevaux de course à Macao mais dans quelques jours l'hippodrome de l'ex-colonie portugaise fermera ses portes.
A l'évocation de la fin de ces moments de gloire et des jours heureux passés dans cet hippodrome vieillissant, situé non loin des casinos rutilants, M. Lau, qui a "l'équitation dans le sang" se sent "déprimé".
L'exécutif de Macao a annoncé la fin de la concession accordée à ce club chargé d'organiser les courses et elle sera effective le 1er avril. Dans un communiqué publié fin janvier, il invoque notamment "des difficultés financières".
Macao a organisé ses premières courses en 1989 alors que le territoire était encore une colonie portugaise et ce secteur a connu un véritable essor après l'acquisition en 1991 du jockey club de Macao par le magnat des casinos Stanley Ho, décédé en 2020.
Depuis quelques années, sous la présidence d'Angela Leong, la quatrième épouse de M. Ho, le nombre de spectateurs a chuté et le Jockey Club de Macao a accumulé plus de 2,5 milliards de patacas (287 millions d'euros) de pertes.
"A la fin des années 90, nous avions 1.200 chevaux", se souvient Geoff Allendorf, entraîneur depuis des années à Macao, "aujourd'hui, nous en avons 200. Ce qui en dit long".
Malgré des signes avant-coureurs, certains entraîneurs et propriétaires reconnaissent avoir été déconcertés par le court délai imparti entre l'annonce de cette fermeture et la fin des courses, soit onze semaines.
Ce timing a été "violent", selon M. Allendorf.
Les entraîneurs, les jockeys et le personnel des écuries ont écrit au dirigeant de Macao pour réclamer des indemnités, expliquant que ce serait un coup dur pour les 570 employés du jockey club.
"Tout le monde est encore sous le choc. Nous réaliserons vraiment une fois que nous aurons fermé nos portes", estime M. Allendorf.
Jason Tam, propriétaire d'une écurie de six chevaux à Macao, est à la tête d'un groupe de propriétaires qui cherchent à être indemnisés par le Jockey Club.
- "Mauvaise gestion" -
"Cet endroit tombe en ruine, c'est ce qui arrive avec une mauvaise gestion", dit-il en pointant la peinture écaillée de l'hippodrome.
Frappées de plein fouet par la pandémie de Covid et les incertitudes économiques, les courses hippiques ne rencontrent plus le même succès dans certaines régions d'Asie. L'hippodrome de Singapour fermera ses portes en octobre, après 180 ans d'histoire.
Mais à Macao, des propriétaires comme M. Tam jalousent le succès de la ville voisine de Hong Kong, où les courses ont enregistré un chiffre d'affaires record de 39 milliards de dollars (36 milliards d'euros) en 2022-23.
Il y a six ans, la licence pour les courses a été prolongée de vingt-quatre ans en échange d'un investissement de 190 millions de dollars du Macao Jockey Club dans des rénovations et des installations non liées au jeu, telles que des hôtels.
Selon les entraîneurs et les propriétaires, cet investissement ne s'est jamais concrétisé. En janvier, le contrat de 2018 a été résilié.
Les courses n'ont lieu plus qu'une fois par semaine à Macao et l'une des dernières, le 17 mars, n'a attiré que 300 spectateurs.
Antonio Lobo Vilela, expert en droit des jeux et ancien conseiller juridique du gouvernement de Macao, déplore la disparition de cette activité pour laquelle Pékin manifeste un intérêt croissant.
La Chine a publié en 2020 un plan quinquennal visant à "développer l'industrie équine nationale" et des courses devraient prochainement être organisées à Canton, une ville située non loin de Macao.
"Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi le gouvernement a décidé de résilier le contrat" au lieu de chercher un nouveau concessionnaire", regrette M. Vilela. "C'est le genre de petit patrimoine culturel que les Portugais ont laissé ici. Il va mourir parce qu'ils le tuent petit à petit".
Dans un communiqué à l'AFP, l'exécutif de Macao a indiqué avoir étudié les "raisons invoquées par le Macao Jockey Club, sa situation opérationnelle et l'intérêt public" avant de prendre une décision.
Xu, une étudiante de 24 ans originaire de Chine continentale, est déjà nostalgique. "Nous n'avons pas ce genre de courses (en Chine)... C'est différent de les regarder en direct".
(U.Kabuchyn--DTZ)