Ministérielle OMC: incertitude sur la pêche, les Britanniques rejoignent le consensus sur les vaccins Covid
Ministres et négociateurs des 164 pays membres de l'OMC s'apprêtaient à passer une nouvelle nuit blanche jeudi à Genève, pour tenter d'arracher des accords sur les vaccins anti-Covid-19, la pêche ou la sécurité alimentaire.
L'objectif est de supprimer des subventions qui facilitent la surpêche et vident les océans, de lever temporairement les brevets qui protègent les vaccins anti-Covid, d'assurer la sécurité alimentaire ou encore de réformer l'Organisation mondiale du commerce elle-même.
Le succès de cette conférence se mesurera notamment à la conclusion d'accords sur la santé et le commerce. Un premier texte porte sur la facilitation du commerce des biens médicaux nécessaires à la lutte contre les pandémies, tandis qu'un autre porte sur les brevets des vaccins anti-Covid.
L'OMC est sous pression de pays en voie de développement et d'ONG depuis octobre 2020 pour accepter une levée des droits de propriété intellectuelle sur les moyens médicaux de lutte contre le Covid. Mais face à l'opposition de certains pays riches, où le secteur pharmaceutique pèse lourd dans l'économie, le texte sur la table ne prévoit plus qu'une levée temporaire des brevets sur les vaccins pour les pays en développement.
Le Royaume-Uni avait malgré tout fait part de ses réticences. Mais l'ambassadeur britannique Simon Manley a annoncé tard jeudi soir à la directrice générale de l'OMC Ngozi Okonjo-Iweala que son pays était désormais "prêt à rejoindre le consensus".
Cette décision "témoigne de notre engagement à obtenir un résultat positif à cette conférence ministérielle", a-t-il dit, avant d'être applaudi par les autres négociateurs.
- "Bâtisseur de consensus" -
Les représentants des Etats membres de l'OMC, réunis depuis dimanche à Genève, ont entamé depuis mercredi un marathon de tractations, faisant fi des différentes heures butoirs fixées par la directrice générale Ngozi Okonjo-Iweala.
Le vice-président de la Commission européenne en charge du Commerce, Valdis Dombrovskis, a souligné auprès de l'AFP que "les points de vue des différents groupes de travail sont assez divergents entre les membres".
Un peu plus tôt, le ministre indien du Commerce, Piyush Goyal, présenté comme l'empêcheur de tourner en rond par de nombreuses délégations, a été plus positif.
"L'Inde est convaincue que cette réunion ministérielle sera l'une des plus réussies que l'OMC ait connues depuis longtemps", a-t-il déclaré aux journalistes massés autour de lui.
Plus tard dans la soirée, il a également soutenu que son pays "ne fait pas obstacle à quoi que ce soit" mais est un "bâtisseur de consensus".
Pour faire avancer les choses sur les dossiers les plus difficiles, seuls quelques hauts responsables de l'OMC et des pays clés participent à des réunions : un format dit "green room".
Selon des sources proches des discussions, les négociateurs marchandent autour d'un paquet global, rassemblant tous les sujets. Ce paquet doit ensuite être présenté à l'ensemble des États membres, car à l'OMC les décisions sont prises par consensus.
- Inde à amadouer -
Les cinq jours de négociations ont été marqués par l'intransigeance indienne sur plusieurs dossiers. Plusieurs sources proches des discussions assurent que des pays en développement continuent d'avoir des réticences sur le projet d'accord sur la pêche, quand bien même ce dernier a été sévèrement édulcoré au cours des dernières 24 heures.
De nombreux diplomates ont déploré ces derniers jours les vives réticences de l'Inde sur plusieurs textes, y compris sur les subventions qui contribuent à la surpêche et à la prolongation du moratoire sur les droits de douane pour les transmissions électroniques.
"L'Inde a toujours été un partenaire commercial réticent. L'Inde est connue pour sa réticence à signer des accords de libre-échange", a indiqué à l'AFP Harsh V. Pant, professeur au King's College de Londres.
La pression pour que les ministres aboutissent à des accord est forte, d'autant que l'OMC n'est parvenue à aucun accord majeur depuis celui conclu en 2013 à Bali sur la facilitation des échanges, élargi deux ans plus tard aux technologies de l'information.
La grave crise alimentaire mondiale provoquée par l'invasion russe en Ukraine, qui fait partie des greniers à céréales du monde, est aussi au cœur des préoccupations. Une déclaration est en discussion pour les restrictions aux exportations.
Un autre projet d'accord vise à interdire les restrictions à l'exportation pour les achats du Programme alimentaire mondial, une des principales agences humanitaires de l'ONU.
(S.A.Dudajev--DTZ)