L'homme d'affaires hongkongais Jimmy Lai à la barre dans son procès pour "collusion"
L'homme d'affaires honkongais et militant pro-démocratie Jimmy Lai doit s'exprimer mercredi pour la première fois en près de quatre ans, dans le cadre de son procès pour atteinte à la sécurité nationale.
Ce procès est l'un des plus importants depuis l'entrée en vigueur de la loi sur la sécurité nationale, imposée à Hong Kong par Pékin en 2020.
Le témoignage de M. Lai intervient au lendemain de la condamnation pour "subversion" de 45 militants pro-démocratie à des peines allant jusqu'à dix ans de prison, au terme du procès d'opposants le plus massif jusqu'à présent organisé à Hong Kong.
Les pays occidentaux et les organisations de défense des droits humains réclament avec insistance la libération de Jimmy Lai, fondateur du tabloïd Apple Daily aujourd'hui fermé.
M. Lai, dont le procès a débuté en décembre 2023 et a connu de nombreux retards et ajournements, est accusé de collusion avec des forces étrangères, infraction passible de la prison à vie. Il a plaidé non coupable.
Le magnat hongkongais de 76 ans est poursuivi pour des articles de son journal qui soutenaient les manifestations prodémocratie monstres, parfois violentes, de 2019, et pour avoir critiqué les dirigeants chinois.
M. Lai est détenu depuis décembre 2020, ce qui a soulevé des inquiétudes sur son état de santé.
"L'incarcération préventive pendant des années d'un homme de 76 ans simplement parce que son journal a osé critiquer le gouvernement et rendre compte de discussions publiques traduit la désintégration du respect des droits humains à Hong Kong", a dénoncé Sarah Brooks, directrice du programme Chine d'Amnesty International, lundi dans un communiqué.
Hong Kong et Pékin ont réfuté toute critique, qualifiant Jimmy Lai "d'outil politique volontaire des forces étrangères qui tentent d'imposer des restrictions à la Chine par l'intermédiaire de Hong Kong".
L'accusation soutient qu'à de multiples reprises, M. Lai a demandé aux Etats-Unis et à d'autres pays d'imposer des sanctions ou d'engager "d'autres activités hostiles" à l'encontre de la Chine et de Hong Kong.
- "Publications séditieuses" -
M. Lai doit répondre d'un chef d'accusation de "conspiration en vue de publier des publications séditieuses" et de deux chefs d'accusation pour conspiration en vue d'une collusion avec l'étranger.
Les poursuites engagées contre lui portent sur 161 articles publiés par Apple Daily, ainsi que sur ses propres interviews et publications sur les réseaux sociaux.
Le journal a fermé en 2021 après des descentes de police, le gel de ses actifs et l'arrestation de ses principaux rédacteurs.
L'accusation reproche à M. Lai et à six cadres d'Apple Daily d'avoir utilisé ce média comme plateforme pour "encourager l'opposition au gouvernement" et "faire preuve de collusion avec des pays étrangers".
Des dizaines de responsables politiques et universitaires locaux et étrangers, dont l'ancien secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo, ont été désignés par l'accusation comme des "agents", des "intermédiaires" ou des "collaborateurs" de M. Lai.
Il est également accusé d'avoir aidé deux jeunes militants à faire pression pour obtenir des sanctions étrangères contre Pékin par l'intermédiaire du groupe militant "Stand With Hong Kong".
Les six cadres du journal et les deux militants ont plaidé coupable, et cinq d'entre eux ont témoigné contre Jimmy Lai dans le cadre de la procédure judiciaire.
- Isolement prolongé -
Le mois dernier, le Premier ministre travailliste britannique Keir Starmer a affirmé que Jimmy Lai, qui possède la nationalité britannique, était "une priorité" pour son gouvernement.
L'un des fils de l'homme d'affaires a réclamé néanmoins un soutien "beaucoup plus fort" du gouvernement britannique, craignant que l'état de santé de son père ne "s'aggrave à tout moment".
Un groupe de juristes a déposé plusieurs plaintes auprès des Nations Unies concernant la détention arbitraire et l'isolement prolongé du prévenu.
Dimanche, le gouvernement de Hong Kong a condamné ce groupe pour avoir "répandu des informations erronées", assurant que M. Lai avait lui-même demandé à être tenu à l'écart des autres détenus.
"Les remarques infondées (...) déforment complètement les faits et ne sont qu'une manœuvre politique méprisable avec une intention malveillante", a déclaré le gouvernement dans un communiqué.
Robertsons, un cabinet d'avocats de Hong Kong qui représente M. Lai dans le procès, a également démenti certaines des allégations.
"M. Lai souhaite faire savoir qu'il a reçu les soins médicaux appropriés" pour les problèmes dont il souffre, notamment le diabète, a déclaré le cabinet dans un communiqué en septembre.
"Il a accès à la lumière du jour par les fenêtres du couloir à l'extérieur de sa cellule, bien qu'il ne puisse pas voir le ciel. Il fait de l'exercice pendant une heure chaque jour dans une zone sécurisée", avait-il précisé.
(S.A.Dudajev--DTZ)