Législatives au Sénégal: vers un raz-de-marée du parti au pouvoir
Le parti au pouvoir au Sénégal se dirige au lendemain des législatives vers une majorité écrasante au Parlement qui donnerait au président Faye et au Premier ministre Sonko les moyens d'appliquer l'agenda de rupture et de justice sociale qui les a propulsés au pouvoir il y a huit mois.
Le Pastef se retrouve avec trois quarts des sièges de l'Assemblée nationale, selon les projections de différents médias à partir de résultats partiels provisoires.
Une "razzia" dont est crédité le Premier ministre et chef du parti Ousmane Sonko, qui était encore en prison il y a huit mois et aurait ainsi désormais les coudées franches pour commencer à mettre en oeuvre son projet.
Les organes électoraux ont jusqu'à mardi soir pour publier les résultats officiels provisoires au niveau des départements.
"La priorité, c'est de changer les politiques et que cela ait des effets sur le panier de la ménagère", dit l'enseignant chercheur El Hadji Mamadou Mbaye en faisant référence au coût de la vie et à une population qui se bat au quotidien pour trouver du travail et joindre les deux bouts.
Outre les multiples urgences du quotidien, l'exécutif est également attendu sur les nombreuses promesses qu'il a faites au nom d'un "panafricanisme de gauche": vote du budget 2025, abrogation d'une loi d'amnistie contestée, renégociation de contrats jugés léonins avec les partenaires étrangers ou, au-delà, transformation de l'Etat et de sa justice.
Le quotidien L'Observateur cite aussi parmi "les dossiers chauds qui attendent la 15ème législature" le vote d'une loi durcissant les peines contre l'homosexualité.
Le bras droit de M. Sonko, Bassirou Diomaye Faye, a été élu président au premier tour en mars. Dénué de toute expérience exécutive, il a été tiré vers le sommet par l'enthousiasme et l'aspiration au changement d'une population jeune et éprouvée par trois années de crise économique et de confrontation politique entre l'ancien pouvoir et M. Sonko.
Pendant huit mois depuis la présidentielle, le placide Faye et le bouillant Sonko qui aurait dû être à sa place si sa candidature n'avait été invalidée et qu'il a nommé Premier ministre, ont vécu une cohabitation conflictuelle avec une Assemblée toujours dominée par l'ancienne majorité.
M. Faye l'a dissoute dès que les délais constitutionnels l'ont permis, en septembre, provoquant les législatives anticipées de dimanche.
Dorénavant, MM. Sonko, Faye et le Pastef "ont tout pour travailler", dit M. Mbaye.
La radio RFM crédite le Pastef de 119 sièges sur 165, la plateforme citoyenne Vie publique de 129, et le site d'information Dakaractu de 131 députés.
Mais les projections annoncent la possible victoire "écrasante" que réclamait M. Sonko.
Le quotidien gouvernemental Le Soleil titre sur "la déferlante Pastef".
"Sénégal Moy Sonko" ("le Sénégal, c'est Sonko" en wolof), écrit le journal Le Quotidien, pourtant critique du pouvoir, détournant le slogan avec lequel le Pastef a convaincu les électeurs à la présidentielle que voter pour Bassirou Diomaye Faye, c'était comme voter pour M. Sonko.
- Cohérence électorale -
L'opposition était dispersée. Quarante-et-une listes étaient en compétition. L'opposition a fait campagne en reprenant à son compte le grief formulé par un certain nombre de Sénégalais selon lequel, pendant huit mois, M. Sonko a beaucoup parlé et peu agi. L'intéressé s'en défend en arguant de l'état dans lequel lui et M. Faye ont trouvé le pays, et des multiples résistances à son ambition de changer les pratiques et le système.
Les analystes soulignent que, comme il est de tradition, les électeurs ont mis en cohérence leur vote à la présidentielle et aux législatives.
Ils s'accordent sur le fait que M. Sonko est le maître du jeu, d'autant plus qu'il pourra compter sur une majorité entièrement acquise puisque le Pastef a fait campagne sous sa seule bannière sans nouer d'alliance.
Davantage encore qu'auparavant, "c'est Ousmane Sonko qui va continuer à dicter la façon de diriger le pays", plus que le chef de l'Etat lui-même dans un système pourtant considéré comme hyperprésidentialiste, dit l'enseignant chercheur Mbaye.
Le chef de l'Etat "n'a cette légitimité d'être président que grâce à Sonko", dit-il.
M. Sonko a fort à faire. Le coût de la vie reste une préoccupation majeure pour la population, tout comme le chômage qui atteint plus de 20%. Les nouveaux gouvernants sont à leur tour confrontés à la vague de ces centaines de compatriotes qui partent chaque mois en pirogue chercher un avenir meilleur en Europe.
Les comptes publics sont dans le rouge et le Fonds monétaire international vient de suspendre un programme d'aide. Deux agences d'évaluation ont revu défavorablement la note souveraine ou la perspective du Sénégal. Différents projets sont bloqués et le privé attend le paiement des créances de l'Etat.
(V.Varonivska--DTZ)