Une semaine après le cyclone Chido, les habitants de Mayotte attendent encore de l'aide
"On a soif. On a faim": face à une aide qui arrive au compte-gouttes, les habitants de Mayotte s'impatientent malgré le retour de l'alimentation en eau courante dans le chef-lieu de l'archipel, une semaine après la dévastation semée par le cyclone Chido.
En ce premier jour de week-end, de nombreux habitants font la queue devant les distributeurs de billets ou aux caisses des supermarchés qui commencent à rouvrir. Plusieurs stations-services ont également repris leur activité à travers le territoire.
Si l'aide d'urgence se fait toujours attendre dans plusieurs points de l'archipel, de l'eau a été distribuée à Mamoudzou et de nombreux habitants rentraient chez eux, un pack de bouteilles tenu à bout de bras ou sur la tête, a constaté samedi matin un journaliste de l'AFP.
L'eau est aussi de retour, même si les tours d'eau continuent, la ressource étant rare. Jusqu'au 27 décembre, les foyers de Mamoudzou n'auront accès à l'eau que durant huit heures, deux jours sur trois alors que les températures extérieures dépassent les 30 degrés.
Le président Emmanuel Macron avait promis vendredi soir le raccordement au moins de façon partielle des foyers à l'eau dès samedi, après avoir été confronté pendant deux jours à la détresse des Mahorais.
S'il a assuré auprès de plusieurs médias locaux parer à "l'urgence", le chef de l'Etat a également averti que "pendant des mois, Mayotte ne vivra pas en situation normale".
Sur le plan de l'hébergement d'urgence, l'ONG Acted a indiqué samedi dans un communiqué avoir "affrété un avion-cargo spécial pour acheminer" vers l'archipel "un premier lot de 700 tentes qui devraient être opérationnelles sur le terrain pour le jour de Noël", pour héberger "près de 5.000 personnes (...) dans les territoires les plus détruits".
- "Un sandwich par jour"-
A Mayotte, le bilan provisoire du cyclone s'élève à 35 morts et 2.500 blessés, dont 78 grièvement, selon les derniers chiffres du ministère de l'Intérieur.
Mais "il est vraisemblable qu'il y ait beaucoup plus de victimes", a reconnu Emmanuel Macron, rappelant qu'une mission avait été diligentée pour établir un bilan exact.
Au Mozambique, le cyclone a causé la mort de 76 personnes et détruit 62.000 habitations.
Dans le quartier de La Geôle, à Mamoudzou, Shalima a profité samedi de cette première journée d'eau aux pompes publiques pour venir avec d'autres femmes laver son linge sur un parking.
"On a pris tout ce qui a été inondé et on est venus le laver", dit cette commerçante de 30 ans, une grande bassine d'eau propre et une petite pour le lavage à côté d'elle : "Ça fait du bien au moral. Parce que les habits qu'on a là, c'est les mêmes depuis vendredi dernier. La prochaine étape, c'est de pouvoir manger. On nous rapporte un sandwich par jour, mais c'est pas suffisant", dit cette femme qui n'a vu aucun représentant de l'État depuis le cyclone.
Dans ce quartier mixte d'habitat précaire et de maisons en béton, Adjilani Asadi n'a lui non plus vu aucun fonctionnaire en une semaine: "On boit l'eau des citernes mais elle est salée. Il n'y a pas le choix, sinon on va mourir".
Ceux qui habitaient des barraques de tôle ont déjà remonté la leur. À la différence de bidonvilles comme Kawéni, il y a plus d'espace ici et certaines ressemblent à de véritables maisonnées.
"C'est chacun pour soi. Chacun achète son matériel et va reconstruire sa maison", dit un charpentier de 35 ans à l'ouvrage, Ali Zahara.
- Polémique -
"En ordre public, pour le moment les choses sont tout à fait contenues. Les Mahorais ne sont pas engagés dans des actions de violence, de pillage", a souligné samedi auprès de l'AFP le procureur de la République de Mamoudzou Yann Le Bris.
Vendredi, Emmanuel Macron s'était rendu à Tsingoni, commune enclavée de l'ouest de Grande-Terre, l'île principale de l'archipel. Loin de Mamoudzou, les secours, l'eau, l'électricité et la nourriture tardaient toujours à arriver.
"Déjà 80 tonnes d'alimentation et 50 tonnes d'eau ont été distribuées dans neuf communes hier", avait indiqué vendredi le ministre démissionnaire de l'Intérieur Bruno Retailleau, assurant que "tout est mis en place pour permettre de distribuer 600.000 litres d'eau par jour", soit un peu moins de deux litres par personne.
"Si c'était pas la France, vous seriez 10.000 fois plus dans la merde !", avait lancé le président jeudi à la foule en colère, des propos qui lui ont valu de vives critiques de l'opposition à Paris.
Environ un tiers de la population de Mayotte, soit plus de 100.000 habitants, notamment les personnes en situation irrégulière venant des Comores voisines, vivent dans des logements précaires.
"Mettre fin" aux bidonvilles et "supprimer" ces habitats "indignes" et "dangereux", c'est l'un des objectifs de la loi spéciale promise par le président pour "rebâtir" Mayotte. Le Premier ministre François Bayrou a fixé un délai potentiel de deux ans pour cette reconstruction.
(L.Møller--DTZ)