Pays-Bas: les chargeurs rapides défient les champions des bornes pour voitures électriques
A une station dotée de bornes ultra-rapides plantées le long d’une autoroute vers Amsterdam, des conducteurs rechargent leurs véhicules en une vingtaine de minutes à peine, ravis de la facilité à se déplacer électriquement à travers ce petit pays qui compte déjà des centaines de milliers de voitures électriques.
"Aux Pays-Bas, c'est vraiment bien. Mais quand on sort du pays, le réseau est bien plus pauvre", dit Jeroen Vever, développeur de software âgé de 37 ans, en train de recharger sa voiture.
Surtout connus pour rouler à vélo, les Néerlandais se targuent d'être les "champions du monde" des bornes de recharge pour voitures électriques, avec l’infrastructure la plus dense de l'Union européenne.
Mais la congestion du réseau électrique menace les ambitions de développement des chargements rapides, qui nécessitent une très forte puissance électrique et donc de lourdres infrastructures.
Sur 145.000 bornes du petit territoire - un tiers des points de recharge "publics"européens - 6.000 sont rapides ou ultra rapides, selon les chiffres de 2022 de l’Observatoire européen EAFO. En chiffres absolus, c'est exceptionnel pour un pays de cette taille.
L'électrification des véhicules, bien lancée en Europe et en Chine, est l'un des piliers de la transition vers un monde sans carbone, un sujet au coeur de la COP28 à la fin de l'année. Mais comme l'illustre le cas des Pays-Bas, vendre les voitures électriques devra aller main dans la main avec une mise au niveau des infrastructures.
Des centaines de milliers de bornes privées existent aussi ici, plus lentes. Alors que le pays vise 100% de voitures neuves électriques en 2030, il n'y aura pas assez de chargeurs stationnaires pour toutes, souligne l'entreprise néerlandaise Fastned, notamment car tous les utilisateurs ne disposent pas d'allée privée où charger leur voiture.
"Il sera nécessaire de créer davantage de bornes de recharge rapide", indique à l'AFP Michiel Langezaal, cofondateur de Fastned, qui installe des stations rapides le long des autoroutes européennes.
- La recette néerlandaise -
Pour l'instant, M. Langezaal souligne qu'il y a suffisamment de bornes rapides pour répondre à la demande, avec 700 stations néerlandaises.
"C'est beaucoup", relève Maarten van Biezen, administrateur de l'Association de la conduite électrique (VER), ajoutant que les bornes rapides "connaissent une croissance considérable".
Auke Hoekstra, chercheur en mobilité durable, explique que les bornes rapides pallient le manque de chargeurs "lents" auxquels les voitures restent branchées plusieurs heures pendant que leurs conducteurs vaquent à leurs occupations.
"Généralement, je la branche juste à la maison le soir. Et le lendemain, la voiture est simplement chargée", témoigne Marrit Zylstra, 33 ans.
"C'est très facile", ajoute à l'AFP cette consultante en informatique, qui roule électrique pour des raisons environnementales.
Les Pays-Bas ont bénéficié de leur tradition politique du consensus pour développer leurs infrastructures, selon M. Hoekstra.
Des normes et des plans de long terme ont été définis avec autorités locales, opérateurs de réseau et entreprises, qui ont notamment mené à un système de carte de recharge unique, explique-t-il.
Le pays a également bénéficié de l'absence de grand constructeur automobile national qui aurait pu freiner la transition, souligne-t-il.
- Fin des avantages fiscaux -
Le pays a aussi mis en place très tôt des primes et avantages fiscaux.
"C’est l'histoire de la poule et de l'œuf: s’il existe une infrastructure de recharge suffisante et fiable, cela aide les gens à passer à une mobilité durable", souligne M Langezaal.
Mais la plupart des avantages fiscaux vont disparaître en 2025, un choix "très imprudent", selon M. van Bieze.
Si 26% des nouvelles voitures étaient électriques en 2022, elles comptent toujours pour moins de 5% de la flotte néerlandaise, alors que les voitures sont responsables de près de 10% des émissions des gaz à effet de serre néerlandaises.
De plus, le prix de "l'électricité augmente, nous devrons payer des taxes routières, donc on arrive à une époque très différente", s'inquiète Harry Chua, gérant d'un restaurant.
Et rouler électrique ne résout pas tout : "j'ai été coincé dans les embouteillages pendant près de deux heures donc je suis en retard au travail".
Son véhicule lui permet de "vite accélérer": "et j'ai été arrêté par la police", qui lui a donné un avertissement.
(O.Tatarinov--DTZ)