Entreprises en France: plus de femmes, plus de mixité, plus de rentabilité
Trois ans après l'adoption en France d'une loi sur les quotas, les femmes sont plus nombreuses tout en haut de la hiérarchie des entreprises. Un atout car un encadrement mixte s'accompagne d'une hausse de la rentabilité des sociétés, selon des chercheurs.
"La diversité est un facteur de performance", affirme Thomas Courtois, président de l'entreprise de service bancaire Nickel. A son arrivée à ce poste, le comité de direction était 100% masculin. Il a depuis recruté des directrices dans son comité de direction pour atteindre la parité.
Depuis la promulgation de la loi Rixain il y a trois ans, la proportion de femmes au comité exécutif des entreprises du CAC 40, indice phare de la Bourse de Paris, est passée de 22,5% à 28%, a calculé le cabinet de conseil BCG.
Cette loi, qui fête le 24 décembre son troisième anniversaire, impose des quotas de femmes aux postes de direction des entreprises de plus de 1.000 salariés: 30% d'ici mars 2026 et 40% à partir de mars 2029. A l'échelle mondiale, elle est unique en son genre.
Plus de 40% des quelque 1.500 entreprises concernées sont déjà dans les clous des quotas de 2026, d'après des chiffres du ministère du Travail.
Et plus de mixité dans le management - au plus haut niveau mais surtout dans les couches intermédiaires -, c'est plus de rentabilité pour les entreprises, constate Michel Ferrary, professeur associé à la Skema Business School.
Avec son collègue Stéphane Déo, il a épluché les données de 159 entreprises cotées et scruté leurs résultats selon le degré de mixité de leur management intermédiaire, tout en mettant de côté des biais comme des différences d'effectifs féminins selon les secteurs d'activité.
- Partager le pouvoir -
Ces travaux ont permis de "confirmer des relations statistiquement significatives entre la diversité de genre au niveau du management intermédiaire et des employés, et la rentabilité".
Ils suggèrent que la marge nette et l'Ebitda (l'indicateur de rentabilité principal des entreprises) grimpent lorsque le taux de femmes approche des 50%, et retombent au-delà.
Une mixité faible - trop d'hommes et peu de femmes, ou l'inverse - pèse sur la rentabilité, toutes choses égales par ailleurs.
"Toutes les études sociologiques montrent qu'un groupe fonctionne mieux dans la mixité qu'avec uniquement des hommes ou des femmes", rappelle Guylaine Dyèvre, vice-présidente de l'Institut français des administrateurs, qui publie des rapports sur la gouvernance des entreprises.
La littérature scientifique suggère ainsi que les femmes sollicitent davantage la contribution de leurs subordonnés et partagent plus le pouvoir et l'information, rapportent Michel Ferrary et Stéphane Déo.
Pour Thomas Courtois, de Nickel, "la diversité du groupe apporte une diversité de solutions, une meilleure compréhension du monde et de certaines problématiques qui n'auraient jamais été évoquées en son absence".
- Une mixité qui ruisselle -
La loi Rixain s'inscrit dans la continuité de la loi Copé-Zimmerman, qui instaurait en 2011 des quotas dans les organes de contrôle, comme les conseils d'administration. Un dispositif bien plus efficace pour promouvoir la mixité de tous les managers, estime Marie-Christine Maheas, coordinatrice des Ateliers entreprise et mixité de l'école de commerce ESSEC.
"Les promotions de directrices créent un cercle vertueux", estime-t-elle. "Elles normalisent auprès des hommes l'idée des femmes au plus haut niveau, et incitent les jeunes femmes qui voient ces rôles-modèles à postuler ensuite."
Pour Michel Ferrary, la loi Rixain va "changer les choses, car il y a généralement des effets de seuil: tant que la part des femmes est en dessous des 30%, elles n'ont pas vraiment d'impact sur le fonctionnement de l'organisation", explique-t-il.
De quoi éventuellement permettre aux entreprises de dépasser une "masse critique" à partir de laquelle les effets positifs se font ressentir.
- Au CAC 40, seulement 5 femmes -
Pour arriver à plus de mixité dans leurs instances dirigeantes, les entreprises n'ont pas nécessairement remplacé un homme par une femme.
"La moitié des entreprises du CAC 40 ont augmenté la taille de leur comité exécutif pour se mettre en conformité avec les futurs quotas", explique Alexia Reiss, directrice générale de Sista, une ONG qui milite pour "favoriser l'émergence d'une génération de leaders diversifiés."
Car la loi Rixain ne définit pas clairement le périmètre des instances dirigeantes - comme le comité exécutif ou de direction - sur lesquels les quotas s'appliquent.
Nombre d'entreprises y ont intégré leur directrice des ressources humaines ou de la RSE, des postes traditionnellement plus féminins, ce qui leur permet de remplir les quotas.
Des fonctions qui représentent moins un tremplin vers un poste de PDG ou de direction générale que ceux de directeurs financiers ou directeurs des opérations, beaucoup plus masculins, note Alexia Reiss.
Sur les 40 entreprises du CAC 40, cinq seulement ont une femme présidente ou directrice générale.
(A.Stefanowych--DTZ)