Deutsche Tageszeitung - Fin de course pour "l'autodidacte" de l'assurance Sadri Fegaier

Fin de course pour "l'autodidacte" de l'assurance Sadri Fegaier


Fin de course pour "l'autodidacte" de l'assurance Sadri Fegaier
Fin de course pour "l'autodidacte" de l'assurance Sadri Fegaier / Photo: © AFP/Archives

"Autodidacte", "gourou", "génie", "escroc"... En quinze ans, Sadri Fegaier a construit un empire, d'abord de l'assurance téléphones puis des services liés aux produits multimédia. Après des liquidations judiciaires en série, sa condamnation mardi pour pratiques commerciales trompeuses met fin à la course de l'entrepreneur.

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En 2010, Sadri Fegaier, fils d'immigrés tunisiens - mère femme de ménage et père routier -, titulaire d'un BTS assurances, lance la SFAM, après avoir évolué au sein de magasins SFR franchisés.

"Il est arrivé dans ce monde corseté comme une boule dans un jeu de quilles", assurait en 2022 un ancien partenaire du groupe. Il a "créé l'assurance téléphone portable multirisques telle qu'on la connaît aujourd'hui", confiait un autre à l'AFP.

Suivent dix ans de succès: 8 millions de clients, plus d'un milliard d'euros de volumes d'affaire annuel et 3.000 salariés revendiqués en Europe. Les magasins propres du groupe Hubside.Store, proposant des produits multimédias neufs ou reconditionnés, se multiplient, les services proposés aussi.

Son bras droit Jean-Pierre Galera, débauché d'Altice, trouvait au jeune patron un air de Patrick Drahi. Un partenaire ayant requis l'anonymat le comparait lui à Bernard Tapie, "sans le côté flamboyant".

- Des sommets... -

Sadri Fegaier devient l'un des plus jeunes milliardaires de France, selon Challenges. En 2018, il rachète discrètement 11,35% de Fnac-Darty pour 335 millions d'euros, après avoir remporté en 2017 un appel d'offres pour distribuer ses assurances dans ces grandes enseignes.

Bpifrance et Ardian entrent au capital. Le groupe, renommé Indexia, intègre des programmes chapeautés par Bercy.

Attaché à sa ville natale, Romans-sur-Isère (Drôme), meurtrie depuis la fin de son industrie de la chaussure, il y construit un complexe de verre aux intérieurs minimalistes et devient l'un des premiers employeurs privés de la région, fier d'embaucher des jeunes issus de milieux défavorisés.

Cavalier à ses heures perdues et propriétaire d'un haras, Sadri Fegaier voit toutefois les obstacles s'accumuler. Une première enquête de la répression des fraudes pour pratiques commerciales trompeuses aboutit en 2019 sur un transaction pénale de 10 millions d'euros.

Une deuxième investigation est lancée dans la foulée face aux centaines de plaintes de consommateurs qui s'accumulent et l'accusent d'être "un escroc": prélèvements indus sans signature d'avenant au contrat, montants prélevés démultipliés pour atteindre parfois des centaines d'euros par mois, non prise en compte des demandes de résiliation.

- ...à la chute -

Le groupe poursuit ses activités. "Tout le monde s'est fait endormir, y compris nous", affirme un ancien partenaire.

"Même nous, on s'est fait avoir", regrettait une salariée le jour de la liquidation de la SFAM. Beaucoup racontent avoir été alléchés par les salaires deux à trois fois supérieurs proposés pour intégrer les centres d'appel d'Indexia. Des délégués syndicaux parlent d'un vrai "gourou".

Au printemps, plusieurs entités du groupe ont été placées en liquidation judiciaire, sonnant la fin de la course pour ce féru de saut d'obstacles avant son procès pénal pour pratiques commerciales trompeuses, qui avait démarré fin septembre.

En 2022, le PDG disait à l'AFP penser aux épreuves hippiques des Jeux olympiques de Paris et se disait "serein" devant la perspective d'être jugé par le tribunal correctionnel.

Mardi, il a été condamné à deux ans de prison, dont 16 mois ferme, et à 300.000 euros d'amende. L'homme d'affaires de 45 ans, qui n'a exprimé "aucune remise en question" selon la présidente du tribunal correctionnel de Paris, a quitté la salle sans commentaire.

Sur son site officiel, on pouvait lire il y a encore quelques mois une citation de Jean-Paul Sartre: "Dans la vie on ne fait pas ce que l'on veut mais on est responsable de ce que l'on est".

Comme l'espéraient de nombreuses parties civiles qui le soupçonnaient de vouloir lancer de nouvelles activités basées sur les mêmes pratiques, le self made man a aussi écopé d'une interdiction de gérer une entreprise pendant cinq ans.

(I.Beryonev--DTZ)