Les agriculteurs ulcérés par la signature avec le Mercosur, veulent "durcir" leurs actions
Sonnés coup sur coup par la vacance gouvernementale à Paris et la conclusion d'un accord de libre-échange UE-Mercosur, les syndicats agricoles français ont entrepris de "durcir" leurs actions, en commencant par viser des permanences de députés, notamment celle de François Hollande.
Vendredi soir des agriculteurs ont muré la permanence parlementaire de l'ancien président de la République à Tulle, pour protester contre son vote en faveur de la motion de censure contre le gouvernement Barnier.
"S'il ne veut pas défendre ses agriculteurs, son territoire, il n'a pas besoin d'une permanence en Corrèze", a déclaré Emmanuel Lissajoux, président de la branche départementale de la FNSEA, pour qui la chute du gouvernement va "retarder toutes les avancées obtenues" par les agriculteurs.
L'annonce par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen d'un accord avec le Mercosur a ajouté à la colère.
L'alliance majoritaire FNSEA-Jeunes agriculteurs (JA) a dénoncé une "trahison". Le Copa-Cogeca, principal lobby agricole européen, a fustigé l'envoi d'"un message catastrophique aux millions d'agriculteurs européens", et annoncé une "action flash" lundi à Bruxelles.
Cet accord — qui prévoit des quotas d'importation à droits de douane réduits ou nuls pour le bœuf, le poulet ou le sucre — doit encore être ratifié par les Etats membres. Il "reste inacceptable en l'état", a réagi la présidence française, soulignant qu'il "n'est ni signé, ni ratifié. Ce n'est donc pas la fin de l'histoire".
L'opposition au traité rassemble une large part des syndicats agricoles européens.
"Cet accord se fait unilatéralement au détriment des agriculteurs européens et affaiblit massivement nos exploitations face à la concurrence", a estimé le président de l'Union allemande des agriculteurs, Joachim Rukwied.
En France en particulier, l'accord fait l'unanimité contre lui parmi les organisations, par ailleurs engagées dans une féroce bataille en vue des élections aux chambres d'agriculture.
Les agriculteurs français multiplient les manifestations depuis la mi-novembre, moins d'un an après une mobilisation historique qui avait abouti à une moisson de promesses gouvernementales (aides d'urgence, baisse de charges, assouplissement des normes environnementales...).
- "Demander des comptes" -
Après la démission forcée mercredi du gouvernement Barnier, qui reprenait plusieurs de ces promesses dans des textes de loi, la mobilisation a commencé à muter.
"Avec la censure [du gouvernement] et Ursula von der Leyen partie en Uruguay (...) les actions vont se durcir", a annoncé à l'AFP le secrétaire général des Jeunes agriculteurs (JA), Quentin Le Guillous, avant même l'annonce de l'accord Mercosur.
L'alliance syndicale majoritaire FNSEA-JA prévoyait un troisième round de manifestations pour les 9 et 10 décembre, axé autour de la défense d'un meilleur revenu, via des actions dans des supermarchés.
"On appelle à aller à la rencontre de tous les députés pour demander des comptes" après la censure du gouvernement, a dit Quentin Le Guillous vendredi.
Dès jeudi soir, des agriculteurs s'en sont pris en Nouvelle-Aquitaine à plusieurs permanences d'élus ayant voté la motion de censure du gouvernement.
A Limoges, ils ont muré vendredi celles des députés LFI Damien Maudet et Manon Meunier à Limoges, avant de se diriger vers celle du socialiste Stéphane Delautrette à Nexon.
En Charente-Maritime, les permanences de Fabrice Barusseau (NFP) à Saintes, Benoît Biteau (Verts-NFP) à Rochefort et Pascal Markowsky (RN) à Royan ont été vandalisées jeudi soir, selon la préfecture, avec "déversements de déchets, tags et utilisation de mousse expansive pour sceller l'entrée".
- Refus des contrôles -
Alors que la censure se profilait, le président de la FNSEA Arnaud Rousseau a déclaré mercredi que les agriculteurs n'accepteraient plus de contrôles par l'administration dans leurs fermes "tant que les promesses n'étaient pas tenues".
Les sections locales FNSEA-JA ont commencé à relayer ce message.
Prônant de son côté le maintien des normes environnementales et des contrôles, mais tout aussi opposée au pacte Mercosur, la Confédération paysanne appelle aussi à manifester devant des préfectures, à Figeac par exemple samedi.
Elle dénonce en outre le placement en garde à vue à Paris de cinq de ses membres, interpellés jeudi lors d'une action contre le libre-échange et la spéculation sur les produits agricoles, organisée à l'occasion d'une réunion de grands opérateurs du négoce des céréales. Le syndicat dénonce un "deux poids deux mesures qui s’exprime lorsqu’un syndicat agricole dénonce le monde de la finance plutôt que s’attaquer à des bâtiments ou des agents publics".
(M.Dylatov--DTZ)