Le budget de la Sécu voté au Sénat, le camp macroniste engage le bras de fer avec le gouvernement
Le Sénat a largement adopté mardi le budget de la Sécurité sociale pour 2025, malgré l'abstention des macronistes qui continuent d'engager un bras de fer avec le gouvernement sur les efforts demandés aux entreprises dans ce projet à haut risque pour Michel Barnier.
Sans surprise, les troupes du camp gouvernemental, largement majoritaires dans l'hémicycle, ont approuvé le texte à 202 voix contre 109, avec les voix de la droite et des centristes.
Mais le petit groupe macroniste, qui compte une vingtaine de sénateurs, s'est majoritairement abstenu, adressant un signal d'alerte en direction du gouvernement, à la veille d'une réunion cruciale, mercredi à 14H00, entre députés et sénateurs, chargés d'aboutir à une version de compromis lors d'une commission mixte paritaire (CMP).
"Notre groupe ne peut se satisfaire des mesures d'économies sur le travail retenues par le gouvernement", a lancé Dominique Théophile, le représentant de ce groupe à la Haute assemblée.
Car une divergence majeure persiste sur une mesure phare, la réduction des allègements de cotisations patronales.
Le gouvernement proposait un effort de quatre milliards d'euros sur les entreprises, le Sénat l'a réduit à trois milliards... Mais les parlementaires Renaissance continuent de demander la suppression totale de la mesure.
Les négociations pourraient donc s'étirer jusqu'à la CMP, où les troupes de la coalition seront majoritaires. Avec une menace des députés Ensemble pour la République (EPR): pourraient-ils bloquer tout accord ?
- Socle commun "en jeu" -
Mardi matin en réunion de groupe, ils n'ont pas tranché. "Le groupe souhaite poursuivre les échanges", y compris avec le gouvernement et les sénateurs, a fait savoir un participant. "On continue de faire monter la pression", assume un autre.
Les députés EPR ont prévu de se retrouver à nouveau mardi soir ou mercredi dans la matinée.
Si la CMP échouait, ce ne serait "pas la fin du monde. Mais, si elle échoue à cause d'EPR, c'est un risque politique", a fait savoir lors de la réunion le ministre du Budget Laurent Saint-Martin selon son entourage. "Plus largement, c'est l'existence du +socle commun+ qui est en jeu", a-t-il ajouté.
Selon plusieurs participants à la réunion, l'ex-Première ministre Élisabeth Borne a vivement désapprouvé sur le fond le budget de l’État et celui de la Sécu ainsi que la méthode du gouvernement, tout en étant, selon son entourage, opposée à faire échouer la CMP.
"Si nous arrivons tous avec nos lignes rouges infranchissables, il n'y aura jamais d'accord. A ce moment-là il ne fallait pas monter dans la même barque", a alerté Marc Fesneau, président des députés MoDem.
Le Premier ministre "a dit qu'il était prêt à faire un effort supplémentaire, mais il ne l'a pas quantifié", a pour sa part indiqué un autre cadre du camp gouvernemental.
Pour Laurent Saint-Martin, un "bon consensus" pourrait se dégager en CMP en réduisant l'effort "d'un peu plus de la moitié", soit 1,5 milliard contre quatre initialement demandés aux entreprises.
- 49.3 inévitable -
Dans les rangs de la coalition, beaucoup ont alerté sur l'importance d'un accord en CMP, alors que la menace de censure se fait toujours plus pressante, le Rassemblement national étant prêt à la voter s'il n'est pas entendu.
Si l'utilisation du 49.3 est inévitable, l'activer sur un texte de consensus peut paraître moins cavalier qu'un passage en force sans accord préalable entre les deux chambres.
La copie du Sénat, en tout cas, reste assez fidèle au projet initial, assumant des milliards d'économies alors que les finances sociales sont en berne.
Selon le gouvernement, l'examen du texte au Sénat a permis de réduire d'un milliard supplémentaire le déficit prévisionnel de la Sécu, estimé à 15 milliards, contre 16 milliards selon l'objectif initial et 18,5 milliards en 2024.
Retraités, assurés, entreprises, patients, professionnels de santé... Tout le monde est mis à contribution dans le texte truffé de mesures jugées sensibles jusque dans la nouvelle coalition, et dénoncées par la gauche.
"Le gouvernement a cédé aux batailles politiques internes à son bancal socle commun", s'est indignée la sénatrice socialiste Annie Le Houérou.
Il prévoit une augmentation des retraites de la moitié de l'inflation au 1er janvier, puis d'une deuxième moitié au 1er juillet pour les seules pensions sous le Smic.
Diverses taxes sur les sodas, le tabac et les jeux d'argent ont également été votées par le Sénat, ainsi qu'une contribution de sept heures de "solidarité" par an travaillées sans rémunération par tous les salariés pour financer la dépendance, une mesure très critiquée à gauche, mais qui pourrait disparaître de la copie finale.
(W.Budayev--DTZ)