Nouveaux soupçons de corruption chez Thales, au Royaume-Uni et en France
Les procédures pour corruption contre Thales continuent de s'accumuler: déjà soupçonné sur plusieurs contrats passés à l'étranger, le géant français de la défense fait désormais l'objet de nouvelles investigations en France et au Royaume-Uni, qui viseraient notamment un marché d'armement en Asie.
Cette nouvelle enquête a été dévoilée en fin d'après-midi par l'autorité britannique de lutte contre la délinquance financière, le Serious Fraud Office (SFO), sans autre précision sinon qu'elle est menée conjointement avec le Parquet national financier (PNF) en France.
"Nous allons étudier ensemble et rigoureusement toutes les pistes possibles dans le cadre de notre enquête sur ces graves allégations", a commenté le directeur du SFO, Nick Ephgrave.
Selon une source judiciaire, l'enquête a été ouverte côté français en juillet 2024 pour "corruption d'agent public étranger, trafic d'influence d'agent public étranger, recel et blanchiment".
Confiée à l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF), elle vise "notamment un marché d'armement passé par le groupe" en Asie.
Les investigations sont menées "dans le cadre d'une équipe commune d'enquête" avec le SFO, sous la coordination d'Eurojust, selon cette même source.
Contactée par l'AFP, l'entreprise de hautes technologies spécialisée dans la défense, l'aérospatial ou encore la cybersécurité, a confirmé que les deux autorités avaient "ouvert une enquête concernant quatre de ses entités en France et au Royaume-Uni".
Le groupe affirme se conformer "à toutes les réglementations nationales et internationales".
"L'enquête étant en cours, Thales ne fera aucun autre commentaire", a-t-il ajouté.
Le géant du CAC 40, dont le siège est basé à Paris, est implanté dans 68 pays dans le monde, où elle emploie 81.000 salariés. Selon le SFO plus de 7.000 personnes travaillent pour lui au Royaume-Uni sur 16 sites.
- Détenu pour un quart par l'Etat -
Ces nouveaux soupçons de corruption s'ajoutent à la liste des enquêtes déjà ouvertes contre le fleuron français de la défense.
Le groupe avait été perquisitionné fin juin en France, aux Pays-Bas et en Espagne dans le cadre de deux enquêtes de 2016 et 2023, portant sur la vente de matériel militaire à l'étranger, notamment pour corruption et trafic d'influence d'agent public étranger, selon une source judiciaire à l'époque.
Le parquet financier a également ouvert une enquête préliminaire, révélée en mai 2023, pour vérifier si le groupe d'armement a usé de corruption, ce qu'il conteste, pour obtenir un marché de rénovation d'avions de chasse Mirage-2000 en Inde.
Une autre enquête, ouverte en décembre 2020, se penche sur le transfert d'un ancien salarié de la multinationale française dans un poste à l'Organisation des Nations unies (ONU), l'un des clients de Thales.
Un procès pourrait enfin être ordonné, visant notamment ce groupe d'armement, pour des soupçons de corruption dans la vente de sous-marins à la Malaisie en 2002.
Thales est détenu pour un quart par l'Etat français et pour un autre quart par l'avionneur Dassault Aviation, le reste se divisant en actionnariat flottant.
L'activité défense représente la moitié de ses revenus. Le groupe produit des radars, mais aussi des obus, des munitions, des satellites ou encore des systèmes de défense antiaérienne qu'il livre aux quatre coins du monde.
C'est notamment Thales qui fournit l'électronique des avions Rafale de Dassault aviation, supervisant 22% de la valeur de l'avion. L'entreprise est également impliquée dans la conception du futur char de combat franco-allemand, aux côtés de KNDS Deutschland (ex-Nexter) et Rheinmetall.
(S.A.Dudajev--DTZ)