Murdoch échoue à léguer le contrôle de son empire à son fils aîné
Dans un scénario digne de la série "Succession", en partie inspirée de sa vie, le puissant et controversé magnat des médias Rupert Murdoch a vu la justice américaine lui refuser sa volonté de léguer le contrôle de son empire à son fils aîné, rapporte la presse américaine.
A 93 ans, Murdoch ambitionnait de modifier le trust familial pour confier après sa mort à son fils Lachlan - proche de lui politiquement- le contrôle de son empire, dont les groupes News Corporation (Wall Street Journal, New York Post aux Etats-Unis, The Sun au Royaume-Uni, The Australian) et Fox Corporation (Fox News).
Trois autres enfants de Rupert Murdoch, James, Prudence et Elisabeth, ont contesté ce projet, car le trust prévoyait à l'origine des droits de vote égaux pour les quatre descendants.
Si la fille aînée, Prudence, s'est peu impliquée dans l'entreprise familiale, les trois autres - Lachlan, James et Elisabeth - ont tous été considérés comme des successeurs potentiels.
Mais ces dernières années, Murdoch senior aurait commencé à craindre que Fox News - le joyau de la collection - ne s'éloigne, après sa mort, de ses ancrages lucratifs de droite pour refléter les opinions plus centristes de James et d'Elisabeth.
James Murdoch, qui avait quitté News Corp en 2020, avait par exemple officiellement apporté son soutien à Kamala Harris, la rivale de Donald Trump.
Murdoch père prévoyait que tous ses enfants gardent leurs avantages financiers, mais voulait garantir que Lachlan, qui dirige actuellement Fox News et News Corp, soit le seul décisionnaire après sa mort.
L'intrigue familiale s'est déroulée à huis clos dans une salle d'audience du Nevada, où Murdoch senior et ses quatre enfants ont témoigné pendant plusieurs jours en septembre.
Pour beaucoup d'observateurs, l'affaire aura de lourdes implications sur l'avenir de l'empire laissé par Rupert Murdoch, accusé d'avoir, via certains de ses journaux et de ses télévisions, favorisé la montée des populismes dans les pays anglo-saxons, symbolisés par le Brexit au Royaume-Uni et l'ascension de Donald Trump.
- "Bluff" et "poker"
La chaîne américaine Fox News, aux avant-postes des batailles idéologiques des conservateurs américains, a été accusée de nourrir la désinformation sur les vaccins anti-Covid et d'avoir amplifié les allégations d'élection présidentielle supposément truquée en 2020 aux Etats-Unis au détriment de Donald Trump.
Fox News a dû accepter en avril 2023 de verser la somme faramineuse de 787,5 millions de dollars au fabricant de machines de vote électronique Dominion Voting Systems, au centre des théories du complot des trumpistes sur le scrutin de 2020, et dont la chaîne s'était fait l'écho.
News Corp, qui pèse plus de dix milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2023, est aussi présent dans l'édition avec HarperCollins, ainsi que les annonces immobilières.
Dans sa décision, la justice du Nevada a estimé que le père et le fils avaient agi de "mauvaise foi" en essayant de réécrire les règles, rapporte le New York Times, citant une copie du document judiciaire.
Le plan visant à modifier la structure du trust est une "mascarade soigneusement élaborée" pour "consolider de manière permanente les rôles exécutifs de Lachlan Murdoch", selon le document cité par le New York Times. Le jugement évoque aussi une "partie de poker" et un "bluff".
Le feuilleton n'est toutefois pas encore terminé. La décision doit être ratifiée ou rejetée par un juge de district. Décision qui peut être contestée, ce qui engendrerait une nouvelle série d'épisodes.
(V.Sørensen--DTZ)