La justice confirme que Twitter doit détailler ses moyens de lutte contre la haine en ligne
Twitter devra bien au nom du droit français jouer de plus de transparence et détailler ses moyens de lutte contre la haine en ligne, enjeu majeur pour le réseau social à la modération parfois décriée, a décidé jeudi la justice française.
La cour d'appel de Paris a en effet confirmé une ordonnance de référé du tribunal judiciaire qui avait ordonné en juillet au réseau social de détailler ses mécanismes de modération et de lutte contre les commentaires haineux et discriminatoires.
Twitter avait été assigné en mai 2020 devant le tribunal de Paris par SOS Racisme, la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) et SOS Homophobie, entre autres, estimant que l'entreprise manquait de façon "ancienne et persistante" à ses obligations de modération.
"Par sa décision, la justice française démontre que les GAFA ne peuvent imposer leur propre loi", se sont félicitées dans un communiqué commun les associations.
"Twitter va devoir enfin se responsabiliser, arrêter de louvoyer et penser éthique plutôt que profit et expansion internationale", ajoutent-elles.
"Twitter étudie la décision qui a été rendue par la cour d’appel de Paris, a indiqué de son côté le réseau social. Notre priorité absolue est d’assurer la sécurité des personnes utilisant notre plateforme. Nous nous engageons à construire un Internet plus sûr, à lutter contre la haine en ligne et à améliorer la sérénité de la conversation publique."
- "Signalements" -
En confirmant la décision de juillet dernier du tribunal correctionnel de Paris, la justice française ordonne donc à Twitter international la communication de "tout document administratif, contractuel, technique ou commercial relatif aux moyens matériels et humains mis en œuvre" pour "lutter contre la diffusion des infractions d'apologie de crimes contre l'humanité, d'incitation à la haine raciale, à la haine à l'égard de personnes à raison de leur sexe".
Dans le détail, la société de droit irlandais doit aussi détailler "le nombre, la localisation, la nationalité, la langue des personnes affectées au traitement des signalements provenant des utilisateurs de la plateforme française", "le nombre de signalements", "les critères et le nombre des retraits subséquents" ainsi que "le nombre d'informations transmises aux autorités publiques compétentes, en particulier au parquet".
Dans son arrêt, la cour d'appel condamne en outre le réseau aux gazouillis à verser 1.500 euros de dommages et intérêts à plusieurs des associations engagées dans la procédure.
Les associations appuyaient leur demande sur la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) de 2004, qui impose aux plateformes de "concourir à la lutte" contre la haine en ligne et notamment de "rendre publics les moyens qu'elles consacrent à la lutte contre ces activités illicites".
- "Ingérence" -
Elles avaient notamment produit plusieurs constats d'huissiers datant de 2020 et 2021. Dans le plus récent, du 20 au 23 mai 2021, "seuls 28 des 70 tweets haineux notifiés ont été retirés par Twitter au bout de quarante-huit heures", avaient-elles relevé.
Pour Twitter, qui contestait cette méthode de "testing", cette démarche engagée par les associations relevait de l'"ingérence dans la gestion d’une entreprise" allant contre la "liberté d'entreprendre", avait soutenu dès la première médiation son avocat, Me Karim Beylouni.
Début septembre, le réseau social, qui compte en France environ 12,8 millions d'utilisateurs actifs mensuels, a lancé un "mode sécurité".
Cette une fonctionnalité bloque pendant sept jours les comptes utilisant un "langage potentiellement nuisible" comme des insultes, des remarques haineuses ou encore des "mentions répétitives et non sollicitées".
(L.Barsayjeva--DTZ)