Venezuela: arrestations, déploiement militaire, la tension monte avant l'investiture
"Arrestations" arbitraires, manifestations annoncées de l'opposition et des pro-pouvoir, déploiement massif de troupes, plan sécuritaire inédit : le Venezuela est sur les dents mercredi à la veille de l'investiture du président Nicolas Maduro, dont la victoire est entachée de fraude selon l'opposition.
"Je suis ici par la volonté de Dieu tout-puissant, par la volonté de notre peuple", assure M. Maduro, qui s'apprête à débuter un troisième mandat consécutif.
Le Parlement, où le pouvoir dispose d'une majorité absolue, a invité M. Maduro à midi vendredi (16H00 GMT) pour la cérémonie d'investiture.
Mais l'opposition, qui revendique la victoire aux élections du 28 juillet, a appelé à des manifestations nationales jeudi en faveur du "président élu" Edmundo Gonzalez Urrutia pour tenter de faire dérailler le processus de prestation de serment.
Le pouvoir a répondu à cet appel en convoquant lui aussi ses partisans.
Armée, police, milice, agents des services renseignement, colectivos (paramilitaires) circulent en ville parfois cagoulés, et la télévision publique diffuse régulièrement des images des forces de l'ordre.
M. Maduro a activé dans la nuit un plan militaro-policier national comprenant "toutes les forces armées, la milice et toutes les forces de police".
Deux personnalités ont été arrêtées, a-t-on appris mercredi. Enrique Marquez, ex-candidat à la présidentielle, 61 ans, "a été détenu arbitrairement" mardi, selon la coalition auquel appartient son parti.
M. Marquez a notamment mené une croisade judiciaire demandant l'annulation de l'élection. Son épouse Sonia Lugo estime que le pouvoir tente ainsi "de réduire au silence et d'intimider ceux qui veulent un pays meilleur et qui ont une vision différente".
Arrestation également de Carlos Correa, directeur d'Espacio Publico, une ONG réputée dans défense des droits humains. "Selon des témoins, il a été intercepté dans le centre de Caracas par de prétendus fonctionnaires cagoulés", selon l'ONG.
Les autorités n'ont confirmé aucune des deux arrestations.
Le président colombien, Gustavo Petro, premier chef d'Etat de gauche du pays, s'est insurgé contre ces arrestations annonçant qu'il n'assistera pas à la prestation de serment de M. Maduro.
"Ceci, et d'autres faits, empêchent ma présence personnelle", a déclaré M. Petro sur X. Avec deux millions de migrants, selon les chiffres officiels, la Colombie est le principal pays d'accueil des 8 millions de Vénézuéliens qui ont fui la crise politique et économique.
- "Surmonter la peur" -
M. Gonzalez Urrutia poursuit quant à lui sa tournée internationale. Il est arrivé mercredi à Panama après être passé par l'Argentine, l'Uruguay et les Etats-Unis, où il a rencontré le président Joe Biden et des proches du président élu Donald Trump.
Mercredi, il s'est entretenu avec le président panaméen José Raul Mulino ainsi qu'un groupe d'anciens dirigeants latino-américains. Il doit aussi rencontrer plusieurs ministres des Affaires étrangères latino-américains.
Celui du Panama, Javier Martínez-Acha, a qualifié Maduro de "tyran" et de "candidat vaincu" estimant qu'il devait céder le pouvoir.
"La stratégie de M. Gonzalez Urrutia est de donner de l'élan à la cause de l'opposition et de jouer un rôle de premier plan pour tenter d'augmenter la pression internationale", estime Mariano de Alba, spécialiste en relations internationales.
M. Gonzalez Urrutia, dont la tête est mise à prix pour 100.000 dollars, a envisagé de prendre un avion pour se rendre Caracas accompagné d'un groupe d'anciens présidents dans le but de prendre le pouvoir. "Cet avion (...) doit être traité comme une force étrangère qui tente une invasion", a averti le président du Parlement, Jorge Rodriguez.
Le président socialiste Maduro a été proclamé vainqueur du scrutin avec 52% des voix par le Conseil national électoral (CNE) qui n'a pas rendu publics les procès-verbaux des bureaux de vote, disant avoir été victime d'un piratage informatique jugé peu crédible par de nombreux observateurs.
L'opposition a publié les procès-verbaux fournis par ses scrutateurs et assure que M. Gonzalez Urrutia a obtenu plus de 67% des voix.
La répression des manifestations post-électorales a fait 28 morts, 200 blessés et vu l'arrestation de 2.400 personnes accusées de terrorisme (1.500 environ ont été libérés sur parole).
Dans ce contexte, de nombreux observateurs se demandent si l'opposition est capable de mobiliser ses partisans jeudi et de "surmonter la peur", selon l'expression de Mme Machado.
La dirigeante, qui vit dans la clandestinité depuis cinq mois, a promis de sortir pour ne pas "manquer ce jour historique", assurant que "les jours" de Maduro et de la "tyrannie" sont "comptés".
(L.Barsayjeva--DTZ)