Rappeurs en séries
JoeyStarr devant la caméra, Booba acteur et co-créateur, Abd al Malik réalisateur: les rappeurs de l'Hexagone se déclinent actuellement en séries sur chaînes et plateformes, marchant dans les pas de leurs pairs aux USA.
Cet embouteillage actuel est "une extension de la narration et du +storytelling+ déjà développé dans leur musique" décortique pour l'AFP Aurélien Chapuis, journaliste spécialisé dans la pop culture.
L'intérêt pour les chaînes et plateformes est de "croiser les mondes", en draguant un public massif, "plus jeune, qui a délaissé les fictions traditionnelles", poursuit cet expert. La richesse du rap français permet d'exploiter tous les profils.
Il y a d'abord les rôles proches de la vie des rappeurs, comme Hatik dans la série "Validé" (2020). On voit aussi dans cette production Fifou, photographe-star du rap français, jouer son propre rôle: "une reconnaissance", comme il le disait à l'AFP.
Il y a aussi des personnages de composition comme Fianso dans "Les sauvages" (2019). Dans cette veine, avec "Ourika", série diffusée à partir de jeudi sur Prime Video et dont il est co-créateur, Booba fait aussi ses débuts comme acteur, dans un rôle de "bad boy". Logique pour celui qui avait percé avec le morceau "Le crime paie" (1996), au sein du duo Lunatic.
- "Plus de possibilités" -
Dans la vraie vie, Elie Yaffa, à l'état civil, est mis en examen depuis octobre 2023 et placé sous contrôle judiciaire pour harcèlement moral aggravé envers Magali Berdah, ex-papesse des influenceurs.
Dans l'univers de la fiction, Booba semble suivre la voie du rappeur américain 50 Cent, selon Aurélien Chapuis, "même si +show-runner+ (superviseur de série), c'est plus facile aux USA car la culture du divertissement englobe musiques, films, séries, produits dérivés".
Alors qu'en France, "c'est beaucoup moins poreux", souligne-t-il. "Même si avec les plateformes il y a plus de possibilités" et la production répond aux attentes d'un public jeune.
"Mes activités de producteur de films et shows TV ne me le permettent plus", lançait il y a quelques mois à l'AFP 50 Cent, pour expliquer qu'il abandonnait l'idée de tournées mondiales. "Je parle directement à mon public cible, je ne veux pas le perdre", ajoutait-il.
Le rap semble s'éloigner aussi pour JoeyStarr, ex-moitié de NTM, qui casse encore son image dans "Machine", série programmée sur la plateforme d'Arte à partir du 4 avril, sur la chaîne les 11 et 18 avril. Il y incarne un ouvrier fondu de Karl Marx, qui vante les vertus de l'auto-gestion lors de balades à vélo.
- "C'est le futur" -
"Aux USA, ça fait longtemps que des artistes issus du gangsta rap se retrouvent à jouer des flics", rebondit Aurélien Chapuis. Ice-T, qui chantait avec son groupe Body Count "Cop killer" ("Tueur de flic"), se retrouve ainsi enquêteur dans la franchise "New York, unité spéciale".
Ice Cube, qui rappait "Fuck tha police", qui se passe de traduction, avec le collectif N.W.A, arbore le badge d'un capitaine dans la transposition cinématographique de la série "21 Jump Street".
Il est également devenu scénariste, réalisateur et producteur. A l'image d'un Abd al Malik, derrière la caméra de "9.3 BB", série de France.tv en ligne le 19 avril. L'histoire d'une jeune femme, qui, après la mort de son compagnon, renaît dans le théâtre, selon le synopsis.
Si aux Etats-Unis, Queen Latifah a brisé le plafond de verre en passant de rappeuse à actrice puis productrice, la place des femmes est encore ténue en France. Il faut attendre la saison 2 de "Validé" en 2021 pour voir la rappeuse Laeti dans le premier rôle.
"Ça va mettre un peu temps, mais c'est le futur, de plus en plus de rappeurs et rappeuses vont prendre des rôles de plus en plus importants dans le milieu de la fiction", conclut Aurélien Chapuis.
(U.Beriyev--DTZ)