Hong Kong: prison ferme pour 45 militants prodémocratie condamnés pour "subversion"
La justice hongkongaise a condamné mardi 45 militants prodémocratie reconnus coupables de "subversion" à des peines de prison allant jusqu'à 10 ans, à l'issue du plus grand procès organisé à Hong Kong pour atteinte à la sécurité nationale.
Les États-Unis, l'Australie et des ONG de défense des droits humains ont immédiatement réagi en condamnant ces peines comme preuve de l'érosion des libertés politiques à Hong Kong depuis la ferme reprise en main par Pékin.
Mais le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Lin Jian a estimé mardi que les critiques des pays occidentaux contre ce procès "profanent et piétinent" l'État de droit.
Le juriste Benny Tai a écopé d'une peine d'emprisonnement de 10 ans, la plus longue prononcée à ce jour en vertu de la loi de 2020, promulguée un an après les manifestations massives et parfois violentes en faveur de la démocratie dans cette région administrative spéciale (RAS) de la Chine.
Tous les militants ont été reconnus coupables d'avoir organisé une primaire officieuse destinée à sélectionner des candidats de l'opposition en vue des législatives, pour espérer décrocher une majorité au sein de l'assemblée locale et opposer leur veto aux budgets, et de contraindre potentiellement la dirigeante pro-Pékin de Hong Kong alors en place, Carrie Lam, à la démission.
En dépit des avertissements des autorités, 610.000 personnes avaient voté à la primaire en juillet 2020, soit près d'un septième des habitants de Hong Kong en âge de voter.
Les autorités ont finalement renoncé à l'élection de l'assemblée locale et Pékin a instauré un nouveau système politique qui permet un contrôle strict des élus de Hong Kong.
- "Crise constitutionnelle" -
Quarante-sept personnes avaient été initialement arrêtées puis inculpées en 2021 dans ce dossier.
Parmi ces dernières, 31 avaient plaidé coupable, 16 ont été jugées dans un procès long de 118 jours l'année dernière, à l'issue duquel 14 ont été condamnées, encourant des peines pouvant aller jusqu'à la perpétuité, et deux acquittées en mai.
Les juges ont estimé que le groupe avait risqué de provoquer une "crise constitutionnelle". 45 personnes ont été reconnues coupables de "conspiration visant à subvertir le pouvoir de l'État" et condamnées mardi à des peines allant de quatre ans et deux mois à dix ans de prison.
Mardi à l'aube, plus de 200 personnes ont fait la queue devant le tribunal, sous une bruine glaciale, dans l'espoir d'obtenir une place au tribunal pour le prononcé des peines visant certaines des figures les importantes de l'opposition hongkongaise.
"Je veux être témoin de la façon dont Hong Kong devient la Chine continentale", a indiqué Eric, un informaticien chinois venu du continent, à l'AFP.
Les 45 personnalités de l'opposition étaient entassées dans le box des accusés au tribunal, d'où elles saluaient parfois le public. Nombre d'entre elles ont déjà passé plus de 1.300 jours en prison.
Les hommes politiques Au Nok-hin, Andrew Chiu, Ben Chung et le militant australo-hongkongais Gordon Ng, désignés comme "têtes pensantes" de l'organisation du scrutin, ont été condamnés à des peines allant jusqu'à 7 ans et 3 mois d'emprisonnement.
L'Australie s'est déclarée "gravement préoccupée" par ces peines, et notamment celle de Gordon Ng, qui a les nationalités hongkongaise et australienne.
La deuxième peine la plus longue a été infligée au jeune militant Owen Chow, avec sept ans et neuf mois, le tribunal considérant qu'il avait "joué un rôle plus actif dans le système que les autres accusés".
Dans un message publié sur Facebook avant le prononcé de sa peine, il s'était dit "absolument pas optimiste". "Mais j'ai de l'espoir, car même si je suis loin du jour de la libération, nous avons maintenant vu le point final", a-t-il écrit.
Leung Kwok-hung, 68 ans, cofondateur du dernier parti d'opposition de la ville, la Ligue des sociaux-démocrates (LSD), a écopé d'une peine de six ans et neuf mois.
Chan Po-ying, son épouse et leader du parti, interrogée par l'AFP, a qualifié la peine de "conforme à (ses) attentes".
Leticia Wong, ancienne conseillère municipale d'un parti pro-démocratie aujourd'hui dissous, qui a assisté à l'audience, a estimé que les conditions du procès "encourageaient les gens à plaider coupables et à témoigner contre leurs pairs".
"Pour ceux qui ont refusé d'être soumis, la peine est évidemment plus lourde", a-t-elle déclaré.
- "Libertés effondrées" -
Les autorités de Chine et Hong Kong affirment que la loi sur la sécurité a contribué à rétablir l'ordre à la suite des manifestations de 2019 et ont mis en garde contre toute "ingérence" d'autres pays.
Le ministre à la sécurité de Hong Kong Chris Tang a souligné mardi que les peines "reflétaient la gravité du crime" commis par les militants et "montrent que les crimes mettant en danger la sécurité nationale doivent être lourdement sanctionnés".
Les États-Unis ont "condamné fermement" ces peines de prison prononcées contre des militants qui avaient mené "une activité politique normale protégée par la loi fondamentale de Hong Kong", selon un porte-parole du consulat.
"Les peines sévères prononcées aujourd'hui reflètent la rapidité avec laquelle les libertés civiles et l'indépendance judiciaire de Hong Kong se sont effondrées au cours des quatre dernières années", a déclaré Maya Wang, directrice associée pour la Chine de Human Rights Watch, dans un communiqué.
Anna Kwok, directrice exécutive du Hong Kong Democracy Council, à Washington, a condamné "une attaque contre l'essence même de Hong Kong, qui aspire à la liberté, à la démocratie et au droit à l'expression politique".
Mercredi, le magnat des médias et militant prodémocratie Jimmy Lai, 76 ans, témoignera par ailleurs dans le cadre son procès pour atteinte à la sécurité nationale, rompant le silence après cinq autres procès et près de quatre années en prison.
(V.Sørensen--DTZ)