Cinq ans après la collision à Millas, l'heure du jugement pour la conductrice
La conductrice du car scolaire a-t-elle "fauté" ce jour de décembre 2017, en s'engageant sur le passage à niveau de Millas? La justice répond ce vendredi, cinq ans après la collision avec un TER qui a coûté la vie à six enfants.
Le tribunal correctionnel de Marseille, seule ville avec Paris à accueillir un pôle spécialisé dans les accidents collectifs, rendra son jugement à 14h00, sans doute en l'absence de la prévenue, toujours hospitalisée en psychiatrie.
Jeudi 22 septembre, quatre jours à peine après l'ouverture de son procès pour homicides et blessures involontaires, Nadine Oliveira, 53 ans, avait été comme "foudroyée", selon les mots de l'un de ses avocats. Prise d'une crise de larmes irrépressible, elle avait fini par être évacuée par les marins-pompiers.
Entendre les récits déchirants de certains des 17 adolescents blessés dans ce drame, le 14 décembre 2017, dans les Pyrénées-Orientales, l'a beaucoup "affectée": pour la première fois, elle visualisait les blessures des enfants, "c'était comme si la réalité surgissait, alors que jusqu'à présent, tout cela restait très théorique pour elle", a commenté son avocat, Me Jean Codognès, auprès de l'AFP.
Absente des deux dernières semaines de son procès, Mme Oliveira, seule prévenue dans ce dossier, a d'abord été admise en cardiologie, avant de rejoindre un hôpital psychiatrique de Marseille.
Son avocat espère une relaxe, mais le procureur Michel Sastre a lui requis une peine de cinq ans d'emprisonnement, dont quatre avec sursis probatoire, assortie d'obligations de soins et d'indemnisation des victimes.
Il a également demandé l'annulation de ses permis de conduire de tourisme et de transport de passagers, ainsi qu'une interdiction définitive d'exercer une activité professionnelle en lien avec des enfants.
- "Mécanisme de défense inconscient" -
Car pour le représentant du ministère public, cette "tragédie" est bien le résultat d'une "faute" de la conductrice, due à son inattention et son imprudence.
Avant le drame, Nadine Oliveira avait emprunté ce passage à niveau N.25 presque 400 fois, et elle ne l'avait jamais vu fermé. Pendant l'enquête comme à l'audience, elle a toujours soutenu que les barrières étaient ouvertes le jour du drame, malgré les expertises et certains témoignages, notamment celui d'une jeune fille assise à l'avant du car.
Elle a aussi évoqué un "trou noir" au moment de l'accident.
Mais "le problème du dossier n'est pas de savoir si la barrière était levée ou baissée, c'est d'avoir la preuve qu'elle était baissée", insiste Me Codognès.
De nombreuses parties civiles ont vu, elles, une forme de déni chez la conductrice: "il ne s'agit pas de contester la souffrance de Mme Oliveira, mais on aurait souhaité que (cette souffrance) ne soit pas portée comme un étendard de son innocence mais comme la reconnaissance de sa responsabilité", avait ainsi plaidé Me Marie Mescam, représentante des familles d'une enfant décédée et de sept rescapés.
Il y a "un manque d'empathie" chez Mme Oliveira, mais "je n'ai pas vu dans (son) attitude un déni absolu de ce qui a été commis", avait nuancé le procureur: elle "dit ce que son cerveau estime être la réalité", pour ne pas sombrer totalement.
Une analyse partagée par l'une des experts psychiatres venue témoigner à la barre. Ce déni correspond à "un mécanisme de défense inconscient", avait expliqué Françoise Grau-Espel, qui avait examiné Mme Oliveira un mois seulement après l'accident, début 2018: "On ne peut pas du tout parler de mensonge ni de manipulation".
Pour l'une des jeunes victimes, aujourd'hui presque majeure et qui a perdu une jambe dans l'accident, de toute façon, "la conductrice est déjà morte": elle est "emprisonnée en elle-même", avait-elle lancé, par la voix de son avocate.
(V.Sørensen--DTZ)