Equateur : 12 policiers et militaires blessés au cours d'une mutinerie dans une prison
Douze policiers et militaires ont été blessés jeudi au cours d'une nouvelle mutinerie dans une prison en Equateur, où l'état d'urgence a été décrété dans deux provinces après une vague de violences meurtrières imputées au trafic de drogue, selon un bilan officiel.
Les forces de l'ordre ont été la cible de tirs d'armes à feu et de jets d'engins explosifs pendant leur intervention à l'intérieur de l'établissement pénitentiaire de Guayas 1 dans le port de Guayaquil, selon une source de l'organisme public chargé d'administrer les prisons (SNAI).
Les prisonniers "répondent par la violence contre les agents de la police nationale, les forces armées et le corps de sécurité et de surveillance des prisons, notamment en utilisant des grenades", a expliqué cet organisme dans un communiqué.
Le SNAI a attribué les tirs et les attaques à la grenade à des détenus "membres de groupes criminels organisés", cette prison étant contrôlée par des bandes de trafiquants de drogue.
Des soldats blessés ont été transportés hors de son enceinte par leurs compagnons d'armes jusque dans des postes de secours, a vu sur place l'AFP.
Environ 1.300 policiers sont entrés dans la prison ce jeudi, a de son côté dit le général Víctor Zárate, le commandant de la police locale.
"Nous avons été reçus par des balles, l'un des drones a été touché et a été neutralisé", a poursuivi l'officier devant la presse, ajoutant que des prisonniers avaient également activé des engins explosifs.
- "Terrifié" -
Une femme qui a préféré ne pas être identifiée a confié à l'AFP que son proche détenu entre ses murs était "terrifié".
"Il n'y a pas de gangs là-bas, ils ne se battent pas entre gangs, c'est la police qui les abat", a-t-elle assuré.
Un journaliste de l'AFP a été aspergé de gaz lacrymogène par la police, tandis que les militaires ont exigé de lui qu'il supprime les images de son appareil photo.
Dès les premières heures de la matinée, des détonations avaient retenti. En milieu d'après-midi, elles avaient toutefois cessé.
La prison était surveillée à partir des toits par des hommes armés en uniforme et le SNAI a affirmé que les forces de l'ordre avaient repris le contrôle d'un des pavillons.
- Un lourd bilan -
Mercredi, deux détenus étaient morts et six autres avaient été blessés dans des violences dans cette même prison.
Mardi six personnes, dont cinq policiers, avaient péri dans une série d'attaques à l'explosif et à l'arme à feu contre des postes de police, des stations-service et un hôpital de Guayaquil, une métropole de 2,8 millions d'habitants.
Selon les autorités, ces incidents ont été provoqués par le transfèrement, entamé mardi, vers d'autres établissements de 1.000 détenus de la prison de Guayas 1 afin d'y réduire la surpopulation.
Les violences ont aussi affecté d'autres prisons équatoriennes, en particulier dans la ville côtière d'Esmeraldas, près de la frontière avec la Colombie, où huit gardiens ont été brièvement pris en otage mardi.
Face à cette situation, le président Guillermo Lasso a instauré mardi et jusqu'au 16 décembre l'état d'urgence dans les provinces de Guayas et d'Esmeraldas et un couvre-feu à partir de 21H00 (02H00 GMT).
Les forces de sécurité ont annoncé avoir procédé à 53 arrestations mercredi et saisi armes à feu, munitions et explosifs.
- "Métastase de la violence" -
Plus de 1.200 homicides ont été recensés dans le port de Guayaquil depuis le début de l'année, soit 60% de plus que pour la même période de 2021, selon des chiffres officiels.
Les narcotrafiquants, dont certains sont liés aux cartels mexicains, livrent une guerre dans les rues et dans les prisons en Equateur, où des massacres ont fait près de 400 morts depuis février 2021.
Situé entre la Colombie et le Pérou, les plus grands producteurs mondiaux de cocaïne, cet Etat est passé du statut de pays de transit de drogue à celui d'important centre de distribution vers l'Europe et les Etats-Unis.
En 2021, les autorités ont mis la main sur une quantité record de 210 tonnes de drogues, principalement de la cocaïne. Depuis le début de l'année, les saisies totalisent 160 tonnes.
"L'Equateur est un pays +dollarisé+ avec un système judiciaire corrompu et perméable. C'est l'endroit idéal pour les activités criminelles", explique à l'AFP Xavier Flores, un avocat spécialisé dans les droits de l'homme.
Pour l'ancien chef des renseignements militaires, Mario Pazmiño, il existe "une gouvernance criminelle" dans ce pays, où "le crime organisé a commencé à chasser l'Etat de certains territoires".
"Il va y avoir une métastase de la violence au niveau national, en commençant par les principales villes où ces organisations contrôlent déjà certaines enclaves et en s'étendant à d'autres villes qui ne sont pas encore contaminées", a-t-il prédit auprès de l'AFP.
(O.Tatarinov--DTZ)