A Amasra, des mineurs désemparés
Le visage défait par l'épuisement et le chagrin, couvert de suie noire, les mineurs peinent à trouver les mots.
Dans la mine de charbon d'Amasra, dans le nord-ouest de la Turquie, une explosion survenue vendredi soir a emporté 41 de leurs camarades.
"Les mots ne suffisent pas" lâche Erdogan Yanardag, un mineur qui était de l'équipe de jour, ce jour-là.
Dès qu'il a entendu parler de l'accident, l'homme de 43 ans s'est rué sur le site pour aider les rescapés à sortir des galeries en feu.
Ses vêtements tâchés de noirs témoignent des efforts sans relâche qu'il a conduits toute la nuit avec les autres.
"Tout le monde a attrapé une extrémité de la civière, certains par derrière, certains au milieu et d'autres par devant", raconte-t-il samedi à l'AFP.
"Tous ceux qui ont eu vent de l'explosion - les proches, les voisins et les amis des mineurs - se sont précipités ici".
Ces drames, "ça fait partie de l'ADN de la mine".
Selon les témoins, l'explosion serait due à une accumulation de méthane dans la mine.
- "le coeur lourd" -
Adem Usluoglu, qui travaille dans une autre mine de la région, a appris la nouvelle en rentrant du travail et il a aussitôt accouru pour proposer son aide aux secours.
"Certaines personnes ont été brûlées vives, elles ont été grièvement blessées par la force de l'explosion. C'est une immense catastrophe", regrette-t-il.
"J'ai le coeur horriblement lourd, je ne sais pas comment décrire ce que je ressens". "J'ai la gorge serrée, ma langue est incapable de former les mots dans ma bouche".
"Nous ne voulons plus revivre cette douleur encore une fois", lance le mineur.
La mine d'Amasra emploie environ 600 mineurs qui produisent 300 à 400.000 tonnes de charbon chaque année.
Dans une installation voisine gérée par la compagnie minière Hattat, le directeur-adjoint, Ilyas Borekci, a détaché trois équipes spécialisées pour secourir les mineurs et aider à sortir les rescapés de la mine accidentée.
"Le niveau de méthane était surveillé en permanence, ceux qui sont descendus pour aider avaient des appareils de mesure mobiles en main et des masques respiratoires, sinon il aurait été impossible pour eux d'y aller", souligne-t-il.
"Nos camarades sont descendus, ils sont restés quatre à cinq heures, puis ils ont dû faire une pause car le niveau de méthane avait augmenté", confie-t-il.
Les équipes ont aussi essayé de maitriser et de confiner le feu afin d'empêcher les flammes de se propager dans les galeries.
Mais la seule chance de survivre à une explosion de cette ampleur, c'est de sortir immédiatement, reprend Iliyas Borekci.
Car au-delà de 45 minutes, plus rien ne protège du monoxyde de carbone. Et à une certain concentration, il tue.
"Il n'y a pas de pièces de survie, de poches où s'abriter dans la mine", explique-t-il. "Il faut ressortir".
Lorsque quelques heures plus tard, ses équipes sont redescendues, elles n'ont plus retrouvé que des corps sans vie, aux premières heures samedi matin.
"Hélas, tous ceux qui ont été remontés sont décédés, y compris certains que nous connaissions bien", conclut le responsable en pleurant.
La justice locale a annoncé qu'elle ouvrait ue enquête pour "accident".
(V.Sørensen--DTZ)