Deux ans après la mort de Samuel Paty, regain d'inquiétude sur les atteintes à la laïcité
Deux ans après l'assassinat de Samuel Paty, enseignants et élèves s'apprêtent à honorer la mémoire du professeur, sur fond d'inquiétude sur le respect de la laïcité, avec une "montée en puissance de signalements pour port de tenues et d'accessoires religieux", selon le ministre de l'Education Pap Ndiaye.
Le ministère a publié jeudi matin les chiffres des atteintes à la laïcité dans les écoles, collèges et lycées pour septembre, qui montrent une hausse des signalements pour le port de tenues comme les abayas et qamis (vêtements longs traditionnels portés respectivement par les femmes et par les hommes).
Au total, 313 signalements ont été recensés le mois passé et 904 au deuxième trimestre 2022. C'est une hausse par rapport à la moyenne de 627 incidents recensés au premier trimestre 2022.
Les incidents pour "port de signes et de tenues" religieux représentent plus de la moitié des signalements de septembre (54%), contre 41% au deuxième trimestre 2022 et 22% au premier trimestre.
"Il y a objectivement une montée en puissance de signalements pour port de tenues et d'accessoires religieux, que l'on observe depuis un an, avec peut être une accélération entre-temps. Et donc c'est évidemment sur cette question que nous travaillons", a déclaré le ministre de l'Education Pap Ndiaye en déplacement dans un collège du Val-de-Marne.
"Nous incitons les chefs d'établissements et les académies à remonter tous les signalements. Ne mettons rien sous le tapis", a-t-il ajouté.
Avant la rentrée de septembre, un service anti-radicalisation de l'Etat avait tiré la sonnette d'alarme: le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) avait accusé la "mouvance islamiste" de remettre "en cause le principe de laïcité à l'école" en s'appuyant sur les réseaux sociaux, notamment Twitter ou TikTok, pour encourager le port de vêtements marquant une appartenance religieuse.
Les personnels de direction du syndicat ID-FO ont demandé des "directives claires" face à un problème qui "ne s'est pas atténué depuis la rentrée, bien au contraire".
"Nous ne pouvons pas publier un catalogue de tous les vêtements qui pourraient être religieux", répond Pap Ndiaye dans un entretien au Monde de jeudi. "C'est pourquoi les chefs d'établissement doivent regarder précisément les signes ostensibles".
- Un choc encore présent -
Signe des tensions autour de la laïcité, un professeur d'un lycée de Thann (Haut-Rhin) a reçu début octobre "des menaces de mort de la part de l'oncle d'une de ses élèves" après avoir "abordé en classe la liberté d'expression, les caricatures de Mahomet et Charlie Hebdo", selon une source judiciaire. Le rectorat de Strasbourg a "fermement" condamné mercredi ces "intimidations et menaces".
Dans l'Essonne, un professeur d'histoire-géographie d'un lycée d'Evry vient d'être placé sous protection policière après que son établissement a reçu une lettre anonyme le menaçant de lui faire "une Samuel Paty", a indiqué jeudi une source policière à l'AFP.
Ces incidents interviennent alors que les établissements scolaires s'apprêtent à rendre hommage à Samuel Paty, professeur d'histoire-géographie de 47 ans, décapité le 16 octobre 2020 par un jeune homme radicalisé qui lui reprochait d'avoir montré des caricatures de Mahomet à ses élèves.
Le drame avait suscité une émotion considérable. Un temps d'hommage aura lieu vendredi ou lundi dans les écoles, collèges et lycées. Il "pourra prendre différentes formes" dont "le contenu sera laissé au choix des équipes", indique le ministre dans un courrier envoyé aux recteurs d'académie.
L'assassinat de Samuel Paty a été un "choc immense" qui "se fait encore sentir", souligne Pap Ndiaye dans Le Monde.
Le ministre sera présent à la Sorbonne samedi après-midi aux côtés de Mickaëlle Paty, soeur de l'enseignant, pour la remise du premier prix Samuel Paty à des collégiens, organisé par l'Association des professeurs d'histoire-géographie (APHG).
Le lendemain, jour anniversaire de la mort de Samuel Paty, une cérémonie aura lieu à 18H00 devant le collège où il exerçait, et une gerbe de fleurs sera déposée au square Samuel-Paty à Paris, face à la Sorbonne, inauguré en 2021.
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(U.Kabuchyn--DTZ)