Les transports publics entre retour des passagers et craintes pour l'énergie
La rentrée est contrastée dans les transports publics entre quasi-retour à la situation pré-Covid en province, difficultés d'exploitation en Ile-de-France et flambée des prix de l'énergie qui menace les finances des collectivités et le prix du billet.
"Les gens sont revenus. En province en tout cas", se réjouit Edouard Hénaut, directeur général pour la France de l'opérateur Transdev qui exploite entre autres les trams de Montpellier, Nantes et Saint-Etienne.
Il estime que la fréquentation varie selon les villes "entre 90%, 95% et 100%, voire plus" par rapport au niveau de 2019 avant la crise sanitaire. "Là où les réseaux ont mis de l'offre en plus, on est largement au-delà des 100%, comme par exemple à Rouen."
"Au train où ça va, on pourrait être au quatrième trimestre un peu au-dessus de la fréquentation de 2019, sauf nouvelle vague de Covid", ajoute Frédéric Baverez, directeur exécutif France de Keolis, une filiale de la SNCF qui pilote les réseaux de Lyon, Lille et Rennes.
La situation est moins brillante en Ile-de-France. Le niveau de fréquentation a légèrement remonté en septembre mais reste à 85% en semaine, lors d'un pointage à la fin du mois. Et de 90 à 95% le week-end.
"Plus de télétravail en Ile-de France?", s'interroge l'association d'usagers Plus de trains. "Un manque de fiabilité qui détourne les usagers? Une saturation en 2018-2019 qu'on ne veut plus revivre?"
"Avec (...) de nombreuses autres associations d'usagers, nous alertons les pouvoirs publics depuis des mois sur la dégradation de nos transports en commun. Sans succès pour le moment", regrette l'association francilienne.
L'opposition de gauche et les associations d'usagers reprochent à la présidente d'Ile-de-France Mobilités (IDFM), Valérie Pécresse, d'avoir réduit l'offre pour faire des économies.
Se sont ajoutés de très nombreux "incidents d'exploitation" dans les métros, trains et RER qui ont exaspéré les voyageurs. Et une véritable pagaille sur le réseau de bus, faute de conducteurs. Au cœur de l'agglomération parisienne surtout, 25% des autobus de la RATP n'ont pas circulé en septembre!
- Cherche chauffeurs de bus -
Le gros sujet du moment est de trouver des chauffeurs de bus. Quelque 4.000 postes sont actuellement vacants dans les transports urbains en France (sur 55.000), selon l'UTP, le club des opérateurs. La RATP cherche environ 800 conducteurs, Transdev et Keolis 500 chacun.
La profession promet donc de mettre le paquet pour recruter.
Autre problème, de taille: la flambée des prix de l'énergie, électricité, gazole, gaz...
"Notre principale préoccupation, c'est le prix que nous allons payer l'année prochaine, et dans quelle mesure ce prix sera correctement reflété (...) dans nos contrats", indique Frédéric Baverez chez Keolis. En clair: comment les collectivités vont prendre en charge la hausse des coûts.
"Sur 2023, on a déjà acheté 70% de notre électricité. Selon le prix auquel on achètera les 30% restants, on pourra avoir un prix qui se baladera entre 250 et 350 euros du mégawattheure", contre 51 euros l'année dernière, explique le responsable.
Comme ses collègues, il attend d'en savoir plus sur la stratégie de l'Etat. En tout cas, "les préfets ont bien compris que les métros et les tramways devaient être alimentés" même en cas de coupures d'électricité, rassure-t-il.
Les collectivités, aux finances déjà malmenées par la crise sanitaire, ne demanderont-elles pas de baisser les fréquences pour faire des économies?
"Il y en a qui nous demandent des simulations, mais pour l'instant les autorités organisatrices urbaines n'ont pas demandé de manière volontariste des économies d'offre pour faire des économies en euros", témoigne M. Baverez.
"Il y a encore des collectivités qui nous disent +on appuie sur l'accélérateur+ au nom de la transition écologique", ajoute Edouard Hénaut chez Transdev.
En Ile-de-France, Valérie Pécresse cherche 750 millions d'euros l'an prochain pour couvrir l'inflation et la hausse des coûts de l'énergie.
N'envisageant pas une baisse supplémentaire de l'offre de transport, elle veut mettre à contribution les départements, la RATP, la SNCF, l'Etat (via une baisse de la TVA sur les billets) et les entreprises (via une hausse du "versement mobilité", une taxe sur les salaires). Les deux derniers sujets vont être abordés au Parlement lors du vote du budget.
L'abonnement mensuel Navigo pourrait passer sans ces nouvelles recettes de 75,20 à 100 euros, selon IDFM.
(O.Tatarinov--DTZ)