Loin des villes, une navette autonome tente sa chance en milieu rural
Un véhicule autonome améliorant la mobilité dans les campagnes: plusieurs communes de l'Indre expérimentent jusqu'à fin 2022 un service de navettes automatiques présenté comme une première mondiale.
Sans jamais dépasser les 50 km/h, un fourgon rose, vert et bleu traverse la Brenne et ses étangs (dans le centre de la France, au sud de Tours). A part quelques protubérances et des capteurs, rien ne permet de le distinguer des minibus conventionnels.
Mais dans la navette construite par la start-up française Milla, pas de conducteur. Question de sécurité face à une technologie encore en chantier, un "opérateur" se place tout de même derrière un volant qui tourne tout seul. Il reprend par exemple la main quand la navette doit dépasser un véhicule mal garé.
Quant aux pédales, elles s'enfoncent et se relèvent sans y toucher, de Mézières-en-Brenne à Martizay, en passant par Paulnay et Azay-le-Ferron. Quatre arrêts pour un trajet de 17 kilomètres parcourus en 36 minutes.
Gratuit pour les usagers, le service, en place jusqu'au 31 décembre, a coûté près de 800.000 euros, investis pour moitié par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) dans le cadre du programme Expérimentations navettes autonomes (ENA).
"On ne cherche pas une expérimentation technique mais plutôt sociétale", explique Jean-Bernard Constant, responsable numérique à la communauté de communes Coeur de Brenne. "Il y a 150 expérimentations en France. En revanche très peu sur la ruralité. Et autant de kilomètres sur voie ouverte, c'est une première mondiale."
Cela permet cependant aussi d'étudier "tous les problèmes techniques qu'on n'a pas en ville", ajoute-t-il.
Par exemple, comment gérer les herbes hautes qui poussent et peuvent gêner les capteurs laser du véhicule? Comment se comporter face à un sanglier qui déciderait de traverser la route? Comment aussi l'ordinateur va-t-il évaluer un paysage changeant, au gré des saisons?
Pour les élus locaux, ce test grandeur nature n'est surtout pas un gadget. La navette autonome pourrait rejoindre, à terme, l'arsenal pour contrer la lente érosion démographique de ce territoire de 5.000 habitants.
-"Pas peur du tout"-
"On a toujours, comme dans beaucoup de territoires ruraux, eu des problèmes autour de la mobilité: il faut déplacer peu de personnes sur un espace peu dense", détaille Sébastien Lalange, maire de Paulnay et vice-président de Coeur de Brenne.
"La navette autonome est une solution pour le milieu rural. On sait bien que ce qui coûte dans le transport, c'est celui qui conduit. En l'absence de conducteur, la mobilité devient possible financièrement. Ca peut être l'avenir pour des raisons très clairement financières", estime-t-il.
En attendant, les usagers sont ravis, malgré la relative lenteur de la navette électrique et ses freinages un peu brusques.
"On va à la médiathèque d'Azay voir une expo et ça nous évite de prendre la voiture. (...) Je trouve ça sympa un véhicule automatique, propre. Ca ne me faisait pas peur du tout", sourit Solange Gitton, retraitée.
"Ca s'est très bien passé. Pas de surprise, on savait que ça ne roulait pas vite", apprécie aussi son mari Philippe. "Ca correspond à un besoin dans les secteurs ruraux. Et vu le prix de l'essence, ce n'est pas du luxe."
Dans la touffeur de l'été, la navette commence à connaître un certain succès selon Jean-Bernard Constant.
"On a des habitants qui n'ont pas du tout de solution de mobilité et qui l'utilisent de façon régulière", affirme-t-il. Ainsi, chaque jeudi depuis le début de l'expérimentation mi-juillet, plus d'une dizaine de personnes l'empruntent pour se rendre au marché de Mézières.
"L'étape suivante, c'est que l'opérateur derrière le volant soit derrière un écran et gère plusieurs navettes. Là on aura une vraie logique de développement territorial d'avenir", s'aventure Jean-Bernard Contant.
Lui imagine déjà, "d'ici quelques années", "une flotte de véhicules plus petits qui iront, à la demande, chercher les personnes pour les emmener à leur rendez-vous ou faire les courses". De quoi, espèrent les élus, faire passer l'envie aux habitants de quitter la Brenne.
(I.Beryonev--DTZ)