Attentats du 13-Novembre: jugement tempéré sur les complicités à Bruxelles
Quatre relaxes, une peine de travail, du sursis pour le "logeur" de Salah Abdeslam à la fin de sa cavale: le tribunal correctionnel de Bruxelles a rendu jeudi un jugement nuancé dans le procès des complicités belges dans les attentats qui ont fait 130 morts à Paris le 13 novembre 2015.
Des peines allant jusqu'à cinq ans de prison avaient été requises il y a un mois par le parquet fédéral, dans ce procès visant 14 complices présumés des commandos jihadistes auteurs des pires attentats jamais commis en France.
Le dossier, baptisé "Paris bis", concernait des suspects écartés de la procédure française. La plupart devaient répondre de "participation aux activités d'un groupe terroriste".
En définitive, deux peines de prison ferme ont été prononcées (de 18 mois et 35 jours), deux assorties du sursis, tandis que quatre prévenus ont été relaxés, trois autres bénéficiant d'une suspension de leur condamnation.
Pour les trois derniers on compte une peine de travail d'intérêt général mais aucune peine complémentaire ni pour Youssef Bazarouj ni pour Sammy Djedou, deux cadres du groupe Etat islamique (EI) qui étaient jugés par défaut car présumés morts en zone de guerre. Tous deux ont déjà été condamnés pour terrorisme en Belgique depuis qu'ils ont rejoint la Syrie.
Alors que l'accusation avait réclamé un an de plus, Abid Aberkane a écopé de trois ans avec sursis probatoire (soumis à certaines conditions) pour avoir offert une cache à Salah Abdeslam lors des trois derniers jours avant son arrestation à Bruxelles le 18 mars 2016.
- "Nourrir, loger, vêtir" -
Salah Abdeslam, seul membre encore en vie des commandos du 13 novembre, a été condamné mercredi à Paris à la prison à vie.
A Bruxelles, le tribunal a estimé que l'aide apportée "pour nourrir, loger, vêtir" Salah Abdeslam était démontrée. Abid Aberkane a agi "en pleine connaissance de cause", en sachant que le jihadiste, qui est son cousin, était alors l'homme le plus recherché d'Europe.
Dans d'autres cas, le tribunal s'est montré plus clément, par exemple pour un hébergement ou la conduite à l'aéroport d'un jihadiste quand il n'a pu être établi que le prévenu connaissait précisément les intentions de celui qu'il aidait.
"Ne pas dénoncer l'appartenance" à l'EI, ou "entretenir des contacts avec des membres (...) n'est pas en soi punissable", a souligné le jugement.
- "Décision très juste" -
Virginie Taelman, avocate d'Abid Aberkane, a salué "une décision très juste, très correcte".
"Il n'y avait pas matière à plus de sévérité", a relevé de son côté Me Michel Bouchat, qui défendait Youssef El Ajmi, un proche du logisticien en chef des attentats Ibrahim El Bakraoui.
El Ajmi avait accompagné El Bakraoui le 18 juillet 2015 à l'aéroport de Paris-Roissy pour une deuxième tentative de départ en zone de guerre. Ce jour-là il ne pouvait ignorer les intentions de son ami candidat au jihad, a estimé le tribunal.
Mais le doute est permis pour tous les autres moments où il l'a fréquenté. Verdict pour Youssef El Ajmi: suspension de la condamnation.
Même clémence pour Ibrahim Abrini, le frère de Mohamed Abrini.
Connu comme "l'homme au chapeau" des attentats de Bruxelles (32 morts le 22 mars 2016), Mohamed Abrini avait auparavant accompagné le "convoi de la mort" en région parisienne l'avant-veille du 13 novembre. Il a écopé mercredi soir dans le procès parisien d'une condamnation à la perpétuité avec 22 ans de sûreté.
Dans ce procès belge, Ibrahim Abrini était accusé d'avoir aidé son frère, une fois rentré à Bruxelles, à se débarrasser d'un ordinateur et des vêtements qu'il portait pour aller à Paris. A ce moment-là "il avait connaissance de son implication dans des faits extrêmement graves", a fustigé le tribunal jeudi.
Mais les juges ont aussi fait valoir un casier judiciaire vierge, une participation finalement "restreinte" aux activités de la cellule jihadiste. Enfin le petit frère Abrini a déjà beaucoup "subi" la mauvaise réputation de son nom, ont-ils souligné.
(L.Møller--DTZ)