Un restaurant kosovar bannit les Européens à cause d'un contentieux sur les visas
Un restaurateur de Pristina a interdit l'entrée de son établissement à tous les ressortissants de l'Union européenne pour protester contre le refus de Bruxelles de laisser les Kosovars circuler librement en Europe.
"C'est un signe de révolte et de désespoir", dit à l'AFP Shpejtim Pefqeli, propriétaire du restaurant Mama. "En tant que citoyen du Kosovo, je me sens très mal".
L'ancienne province serbe qui a déclaré son indépendance en 2008 réclame depuis longtemps que ses habitants soient exemptés des visas de court séjour permettant de circuler librement dans les 26 pays de l'espace Schengen, pour la plupart membres de l'UE.
L'exécutif européen a jugé en 2018 que Pristina avait rempli toutes les conditions nécessaires. Mais les Kosovars, au nombre d'1,8 million, restent les seuls habitants des Balkans occidentaux à devoir se procurer un sésame pour voyager dans l'espace Schengen, un long parcours du combattant souvent vécu comme une vexation.
Beaucoup de Kosovars avaient placé d'immenses espoirs dans un récent sommet UE/Balkans occidentaux mais celui-ci n'a débouché sur aucun progrès en la matière.
"Cela nous a mis en colère. On a vu que d'une certaine façon, on était humiliés. C'est de là qu'est venu l'idée de faire quelque chose pour mon pays. Pour protester", poursuit le restaurateur, âgé de 50 ans.
L'Eulex, la mission européenne chargée de l'Etat de droit dans le territoire, a ses locaux juste en face du restaurant et bon nombre des Européens y travaillant fréquentaient l'établissement.
"J'ai décidé de les empêcher (de venir) en premier", a-t-il dit, expliquant ne pas être inquiet pour la fréquentation du restaurant qui se vante d'avoir l'une des cartes d'inspiration italienne les plus riches de la capitale.
Immédiatement après la réunion de Bruxelles, Shpejtim Pefqeli a apposé le message suivant devant son restaurant: "Pas d'entrée pour les citoyens européens sans visa. Restaurant Mama".
"Deux Bulgares étaient alors à table. Elles ont ri quand je leur ai dit de prendre leur temps pour finir leur repas et leurs boissons", raconte le patron de Mama.
La Macédoine du Nord, le Monténégro et la Serbie ont obtenu l'exemption du régime des visas en 2009, suivis un an plus tard par l'Albanie et la Bosnie.
Parmi 199 pays classés selon la liberté de mouvement offerte par leur passeport, l'index Henley n'en place qu'une dizaine derrière le Kosovo dont la Corée du Nord, la Syrie et l’Afghanistan.
La décision de Shpejtim Pefqeli est illégale mais certains lui donnent raison. "C'est une très bonne initative", réagit Valdrin Januzi, ingénieur de 26 ans. "Tout le monde doit faire quelque chose de créatif, comme ça, ce problème et cette injustice se voient mieux".
(L.Svenson--DTZ)